La clé du succès : les sciences humaines pour booster votre entreprise

La clé du succès : les sciences humaines pour booster votre entreprise

Interview de Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien du CNRS sur les sciences humaines

Les sciences humaines et sociales sont souvent perçues comme des domaines éloignés du monde de l’entreprise.

Cependant, selon Maria-Teresa Pontois, chargée de valorisation à l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS, et Carole Chrétien, Directrice des relations entreprises du CNRS, ces disciplines offrent un potentiel inexploité pour les entreprises en quête de succès. Découvrez leur interview accordée à Okay Doc.

Les chercheurs en sciences humaines et sociales ont un taux d’insertion professionnelle dans le privé moins élevé que dans les autres disciplines scientifiques. Comment l’expliquer ?

Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien :

  • Une formation plus longue – la thèse dure environ 4 ans – et elle est souvent suivi d’un postdoc qui engendre une entrée plus tardive sur le marché du travail
  • L’âge avancé car il faut trouver un financement de thèse, et même si le nombre et la variété des thèses CIFRE est en croissance, le taux par domaine disciplinaire reste très inégal
  • L’orientation des docteurs vers une carrière publique et/ou vers une tendance à privilégier les milieux associatifs et//ou coopératifs dans l’économie circulaire et/ou solidaire 
  • Un marché de niche dans le privé qui a tendance à s’ouvrir mais qui ne l’est pas complètement et qui réduit l’employabilité des docteurs en sciences humaines et sociales

Quels sont les défis que rencontrent les scientifiques en sciences humaines et sociales lorsqu’ils travaillent avec des entreprises ? Avez-vous des retours d’expérience ?

Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien : Les défis sont les mêmes pour les scientifiques en sciences humaines que les scientifiques des autres sciences. Il faut se concentrer sur les produits et solutions que l’entreprise doit apporter à la société. C’est un changement de posture par rapport à la carrière des scientifiques académiques qui sont concentrés sur l’avancée des connaissances dans leur domaine. L’adaptation dans l’entreprise doit être un vrai choix et une acceptabilité de la raison d’être de l’entreprise et de ses modes de fonctionnement.

Le retour d’expérience est plutôt positif :

  • Il y a eu les historiens d’entreprises dans les années 1990-2000
  • Il y a désormais beaucoup de docteurs en sciences humaines et sociales dans les départements R&D des entreprises de taille moyenne et grande
  • Il y a des sociologues dans les sociétés de conseil à l’accompagnement à l’évolution des métiers
  • Il y a aussi des juristes dans les startups engagées dans la transition écologique et environnementale, surtout suite à la loi Climat

Qu’est-ce que peut apporter un docteur en sciences humaines et sociales à une entreprise ?

Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien :

  • Une vision large de ses problématiques
  • Une vraie avance car dans le monde actuel, disposer de la technologie la plus en avance ne suffit plus, il faut qu’elle soit acceptable, que les conditions juridiques permettent l’émergence du nouveau marché et qu’elle soit environnementalement acceptable.
  • L’interdisciplinarité
  • La compréhension et l’anticipation des impacts sur l’adhésion à un projet, à un prototype, à un changement des comportements et des usages

Disposer de la technologie la plus en avance ne suffit plus, il faut qu’elle soit acceptable, que les conditions juridiques permettent l’émergence du nouveau marché et qu’elle soit environnementalement acceptable.

Comment la recherche-action et en action se distinguent-elles de la recherche appliquée, et quel est leur rôle dans la résolution des problèmes concrets auxquels les entreprises sont confrontées ?

Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien :

  • C’est la méthode qui diffère dans la collecte, le traitement de la donnée, la formulation d’hypothèses et de préconisations
  • Tous les acteurs sont associés
  • Une de ses expressions est l’expérimentation directe et une de ses formes d’expérimentation est le tiers-lieu, un laboratoire hors les murs
  • Le défi de la recherche-action est de mêler deux temporalités (celle de l’action et celle de la recherche) et deux objectifs distincts (création de connaissances universelles et la résolution de problèmes) et mener les deux simultanément.

De quelle manière les entreprises peuvent-elles intégrer les résultats de la recherche en sciences humaines et sociales dans leur prise de décision et leur stratégie ?

Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien :

  • Pour dé-risquer un projet
  • Pour accompagner le développement d’une technologie nouvelle pour laquelle un marché n’existe pas encore
  • Pour favoriser la prise en compte des défis sociétaux et environnementaux dans les projets futurs de l’entreprise
  • Pour prendre en charge une évolution professionnelle/de métier
  • Pour favoriser les filiales à l’international
  • Pour améliorer l’image de l’entreprise
  • Pour renforcer le lien avec la science

Pour finir, comment pensez-vous que la collaboration entre les sciences humaines et sociales et les entreprises évoluera dans les prochaines années ?

Maria-Teresa Pontois et Carole Chrétien : Très positivement si l’on associe les chercheurs en sciences humaines et sociales dès la formulation d’un besoin, d’une préoccupation, de la conception d’un produit et si on fait confiance à ces sciences rigoureuses, même si pas classées parmi les sciences exactes !

C’est un vrai champ de développement, qui va demander encore un peu de temps pour que chacun comprenne les apports et contraintes de l’autre. Les entreprises sont aujourd’hui dans une demande croissante, quelles que soient leur taille, de sciences humaines et sociales.


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