Covid-19 : La France un « follower » en matière de R&D ?
La crise a révélé la nécessité de libérer l’esprit d’entreprise et de recherche. Pour tous ceux qui aspirent à construire des jours meilleurs, l’heure est désormais à l’innovation, estiment Yann-Maël Larher, docteur en droit, fondateur de Legal Brain Avocats et cofondateur du cabinet de conseil Okay Doc, et Charles Aymard, doctorant et chercheur en sciences de gestion et associé de Okay Doc dans une tribune publiée sur l’Usine Nouvelle. Alors que les investissements en R&D influencent directement l’accès aux vaccins qui en résultent, les Français ont été les grands absents de la course mondiale à l’innovation contre le Covid-19. Saurons-nous en tirer des enseignements ou avons-nous définitivement perdu la bataille de l’innovation sanitaire ? Telle est la question que l’on doit se poser à partir d’une étude publiée par l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève sur la répartition des risques et des investissements dans la recherche d’un vaccin.
Sommaire
Le succès des États-Unis : « Beaucoup de risques, beaucoup d’argent »
Si on devait résumer le match, on pourrait dire que Moderna et Pfizer étaient les outsiders… mais qu’ils ont bénéficié des meilleurs sponsors. Les deux plus gros contributeurs sont les Etats-Unis et l’Allemagne. Dès janvier 2020, l’entreprise BioNTech spécialisée dans les thérapies individualisées contre le cancer, a travaillé sur plusieurs vaccins à ARN-messager et signé en mars un accord de partenariat avec l’américain Pfizer afin de démultiplier ses capacités de développement. L’alliance vise alors « à associer les capacités de développement ainsi que les capacités réglementaires et commerciales de Pfizer à la technologie et à l’expertise du vaccin ARNm de BioNTech ». Parallèlement, le gouvernement allemand a soutenu massivement la recherche en accordant une enveloppe de 750 millions d’euros, dont 375 millions d’euros ont été à BioNTech. Du côté de Moderna, si son patron Stéphane Bancel est français, il a adopté depuis longtemps les codes de l’économie américaine. « Beaucoup de risques, beaucoup d’argent » selon un portrait que Vanity Fair lui a consacré.
Ne plus céder à la naïveté, ni à la peur !
Si nous ne voulons pas être les perdants de la mondialisation, la guerre des vaccins à laquelle nous assistons est là pour nous rappeler que les nations ont des objectifs concurrents. Tétanisée par la peur et corsetée par des processus lourds, la France a malheureusement laissé les autres pays investir dans la recherche vaccinale… Le pays de Pasteur a certes indirectement participé à l’effort par le truchement de l’Union européenne, mais cela reste très inférieur aux investissements du Royaume-Uni. La situation actuelle illustre notre dépendance à l’égard d’autres puissances qui ont fait le choix d’investir massivement dans la recherche afin d’en conserver les retombées (le graphique suivant illustre particulièrement ces différentes stratégies).
Pourtant les prochaines crises se profilent déjà. Face aux enjeux posés par une transition numérique sous contrainte économique, environnementale, sociale et sanitaire, il est urgent de libérer tout le potentiel de la recherche en France. Les avancées en robotique de Boston Dynamics attestent par exemple du retard pris par la France dans ses programmes de développement et surtout dans sa manière de communiquer sur ses découvertes.
Surpasser la peur de l’avenir !
Refuser la naïveté, c’est montrer que la France a des atouts pour réussir et entrer dans la compétition mondiale d’une économie de la connaissance. Qu’il s’agisse d’innovations techniques, sociales, technologiques ou managériales, notre pays a toujours été à la pointe des phénomènes émergents qui ont structuré le socle de connaissances communes. En choisissant de reprendre la main sur son avenir, la France doit insuffler l’envie d’entreprendre et la curiosité aux nouvelles générations. Cette envie d’entreprendre ne doit cependant pas se limiter aux formes dites « classiques », mais elle doit être entendue dans un sens large, c’est-à-dire la volonté de créer quelque chose de nouveau pour contribuer à la marche du monde. Cela suppose une diminution de la peur de l’avenir qui entrave l’action et la prise d’initiative ; c’est en décidant d’une direction permettant de bâtir un nouvel avenir que la France pourra surmonter ces obstacles. La France doit dépasser les craintes qui l’inhibent : accepter de prendre des risques c’est sortir de sa zone de confort pour tenter, pour essayer, pour avoir une action sur le réel afin de le changer.
L’Europe est à la fois le problème et la solution !
L’Europe et la France ne sont pas à la hauteur des enjeux. L’émiettement considérable des acteurs en Europe fragilise nos chances de peser dans l’économie de demain. Alors, quelles solutions s’offrent à nous ? Loin d’un tableau complètement noir, notre pays a encore les moyens d’agir entre ses mains ; il faut à présent les activer. Alors que les nations européennes ont pris du retard dans la plupart des secteurs technologiques, la prise en compte des découvertes des chercheurs européens pourrait constituer un facteur clé de la compétitivité des entreprises. Cette prise en compte entraînerait une transformation gagnante des relations entre les clients, les fournisseurs et les partenaires, favorisant ainsi une réorganisation des méthodes de conception et de production.
Une vraie fédération de la recherche au niveau européen
Au-delà du réarmement de la recherche française, la solution la plus évidente est peut-être celle du fédéralisme. L’Union Européenne pourrait par exemple fédérer ses chercheurs comme elle a « fédéré » sa monnaie. Les innovations pourraient alors être co-créées et cela permettrait d’accroître la force de frappe européenne mais également d’améliorer les retombées pour les populations. Étant donné la qualité de sa recherche, la France n’aurait pas à craindre un engloutissement de ses compétences et de ses capacités par l’Union Européenne. Au contraire, elle pourrait redevenir un leader, en faisant profiter à ses entreprises d’une stratégie de recherche audacieuse. À cet égard, il faut saluer la promotion par l’Union européenne du principe d’innovation, alors qu’on invoque trop souvent, en particulier en France, le principe de précaution pour s’opposer à une certaine idée du progrès qui passe par la technologie. Il reste désormais à le mettre en action.
Nous devons refuser tout angélisme, si nous avons encore les moyens économiques de rattraper notre retard, des choix politiques forts doivent être faits rapidement. Ne plus céder à la naïveté, c’est choisir pour la France d’investir massivement en l’avenir afin d’éviter d’être condamnée à suivre les NPECI (Nouvelles Puissances Économiques de la Connaissance et de l’Innovation).
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