La sélection génétique pour améliorer la brebis de race Lacaune

La sélection génétique pour améliorer la brebis de race Lacaune

doctorant

Okay Doc donne chaque semaine la parole à des chercheurs et des entrepreneurs qui font le lien entre le monde de la recherche et celui des entreprises. Aujourd’hui, nous retrouvons Morgane Petit, Chargée de Communication Scientifique chez La Science En Passant et Docteure en génétique animale.

Depuis le début de la domestication animale, il y a près de 20 000 ans, l’être humain n’a eu de cesse de faire évoluer les espèces qui lui sont utiles, afin de répondre au mieux à ses attentes et les adapter à ses différents milieux de vie.

Il ne faut cependant pas confondre sélection génétique animale et clonage ou OGM. La sélection génétique n’implique pas forcément de manipulation du génome (de l’ADN) des animaux, elle s’appuie principalement sur des croisements et donc sur le choix réfléchi et raisonné des reproducteurs.

Plusieurs facteurs sont étudiés pour essayer d’améliorer les races. Mais comment cela fonctionne-t-il ?

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La sélection animale, une pratique ancestrale

Depuis le début de la domestication animale, l’humain a toujours sélectionné ses animaux, afin d’améliorer leurs performances et de mieux répondre à ses besoins.

Par sélection, on entend « choix des reproducteurs ». Au départ, cela se faisait sur des caractères phénotypiques, c’est-à-dire visibles à l’œil nu, tels que la couleur du pelage, la taille ou encore la quantité de lait. Depuis quelques années, les technologies biologiques se sont améliorées et il est donc possible de faire de la sélection génétique.

La sélection génétique, une manipulation du génome ?

Puisque l’on sélectionne des gènes, cela veut bien dire que l’on manipule l’ADN et le génome ? Donc que l’on crée directement des mutants ou des clones ?

En réalité non, pas forcément. Il existe deux types d’étude génétique. La génétique moléculaire, où effectivement, il est possible de manipuler directement les cellules et l’ADN pour créer des OGM, des clones ou autre. L’autre étude génétique, est la génétique quantitative. Cette dernière s’appuie principalement sur des mathématiques, des statistiques. En effet, à travers différentes formules, la génétique quantitative va essayer de prédire les probabilités d’obtenir des individus avec tel ou tel caractère. C’est de cette génétique-là que nous allons parler aujourd’hui.

La génétique quantitative, des maths et de l’informatique avant tout

La génétique quantitative a vraiment commencé avec Grégor Mendel et ses petits pois. Ce moine tchèque du 19ème siècle (1822-1884) a réussi à élucider comment les caractères génétiques, le phénotype, étaient transmis des parents aux enfants. Pour cela, il a travaillé sur des pois avec des caractères différents, a étudié leurs différents croisements et donc le suivi de la transmission des caractères entre les pois « parents » et les pois « enfants ». Ses travaux ont ensuite été continués et complétés par l’équipe de l’américain Thomas Morgan, au début du 20ème siècle.

La génétique quantitative cherche donc à comprendre comment se transmettent des caractères dits, « à variation continue » (déterminés facilement par un gène) ou « à variation discontinue » (déterminés par plusieurs facteurs génétiques, parfois méconnus). L’observation de la transmission de ces caractères est conditionnée par une mesure, issue de modèles mathématiques et statistiques. Ces modèles vont permettre d’estimer, pour les caractères choisis, les influences respectives de l’hérédité (transmission parents-enfants) et de l’environnement (le milieu dans lequel vit l’individu).

Ces premiers modèles étaient vraiment calculés « à la main », en appliquant directement des formules et lois statistiques, telles que la Loi Normale, la Loi de Poisson ou encore la Loi de Student. Avec les progrès informatiques actuels, les modèles sont maintenant directement implémentés dans des logiciels spécialisés ou directement codés par les scientifiques, grâce à des langages informatiques, tels que Python.

Cependant, pour avoir des résultats, il faut appliquer ces modèles mathématiques. Les scientifiques vont utiliser des bases de données et chercher d’éventuelles corrélations entre des caractères ou entre un caractère et un gène déterminé. En sélection génétique animale, ces bases de données sont créées à partir de prise de sang ou d’échantillons de cartilage des animaux. On récupère ensuite l’information génétique des animaux. Cependant, il n’est pas toujours possible de récupérer l’intégralité du génome (toutes les lettres de l’ADN), cela représente énormément de données, ce qui est compliqué à traiter. Pour simplifier les analyses, les scientifiques vont surtout chercher à récupérer des zones de l’ADN, des fragments chromosomiques, identifiés grâce à des marqueurs génétiques. Les marqueurs les plus utilisés s’appellent des SNP (Single Nucleotide Polymorphism) en anglais. Ces fragments chromosomiques vont ensuite être comparés entre les individus afin de déterminer des ressemblances ou des différences et donc pouvoir établir des mesures et corrélations statistiques.

Vous l’aurez compris, la génétique quantitative n’implique donc aucune manipulation biologique (autre que les prises de sang) et se joue principalement devant un ordinateur.

Un exemple concret de sélection génétique quantitative

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La sélection génétique de la brebis Lacaune

Pendant mon doctorat, j’ai travaillé sur la sélection génétique de la brebis de race Lacaune. Si vous ne la connaissez pas, vous pouvez facilement la rencontrer en vous rendant dans l’Aveyron, car c’est sont lait qui est à l’origine de notre fameux Roquefort.

L’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) travaille en étroite collaboration avec les éleveurs afin de les aider à améliorer leurs animaux et à répondre aux exigences des consommateurs.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la principale préoccupation était de pouvoir manger à sa faim. Les travaux de sélection génétique avaient donc principalement pour but de sélectionner des gènes permettant d’augmenter la quantité de lait des animaux. Aujourd’hui, les scientifiques vont surtout travailler pour permettre d’améliorer la qualité du lait (en ce qui concerne la brebis Lacune, s’assurer que le lait soit de suffisamment bonne qualité pour obtenir le meilleur Roquefort possible) ou encore pour améliorer le bien-être animal (meilleure adaptation des animaux à leurs conditions d’élevage).

Des programmes de recherche français

C’est principalement à l’INRAE de Toulouse que les programmes de sélection de la brebis Lacune sont mis en place. Ils ont eu plusieurs objectifs. Il y a quelques années, un programme a notamment permis d’identifier les facteurs génétiques responsables de la maladie de la Tremblante du mouton, similaire à la fameuse « vache folle ». Les béliers porteurs des facteurs génétiques favorisant la maladie étaient identifiés et écartés des programmes de sélection, afin de s’assurer qu’ils ne puissent pas transmettre la maladie à leurs descendants.

Les facteurs génétiques favorisant la quantité et la qualité du lait (en particulier pour les propriétés fromagères) ont également été identifiés et implémentés dans les programmes de sélection. Ces programmes sont ensuite utilisés par les organismes de race, responsables du choix des reproducteurs et de l’amélioration des races.

Pour conclure, lorsque, ce soir, vous dégusterez votre Roquefort à l’apéro, pensez qu’il est issu d’études scientifiques minutieuses, mises en place pour vous permettre de l’apprécier en toute sécurité !

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Morgane Petit

Chargée de Communication Scientifique chez La Science En Passant et Docteure en génétique animale


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