Géopolitique : « Repenser le système d’aides publiques aux entreprises »

Géopolitique : « Repenser le système d’aides publiques aux entreprises »

Interview de Anais Voy Gillis

Okay Doc donne la parole à des chercheurs et entrepreneurs qui font le lien entre le monde de la recherche et celui des entreprises. Retrouvez cette semaine notre entretien avec Anaïs Voy-Gillis, docteure en géographie/géopolitique, chercheuse associée au sein du CRESAT (Université de Haute Alsace) sur les questions industrielles françaises et européennes et consultante au sein de June Partner, cabinet spécialisé dans la transformation des entreprises en situation complexe.

Quel est votre domaine de spécialité ?

Mon domaine de spécialité est la géopolitique et la géographie économique, disciplines dans lesquelles j’ai effectué ma thèse. Au départ, j’ai une formation en droit public.

Pourquoi avoir choisi la thématique de la (ré) industrialisation ?

Après des masters recherche, j’ai ressenti le besoin de poursuivre dans ce domaine car la démarche me plaisait énormément et que je me suis épanouie dans mes masters, bien plus que dans les années de licence. Quand il a fallu choisir un sujet de thèse, les choix naturels auraient été que je continue dans le sens de mes recherches de master donc soit sur la géopolitique électorale et les mouvements nationalistes, soit le droit. Mais nous étions fin 2014, je travaillais pour une région et l’industrie commençait à revenir dans le débat public. Et très rapidement, faire une thèse pour comprendre comment le pays pouvait se réindustrialiser m’a semblé une évidence. 

Quelles sont les 3 conclusions principales de vos travaux ?

  1. La renaissance industrielle passe par la reconstruction d’un imaginaire partagé autour de l’industrie et son inscription dans un projet de société plus large. Cela passe aussi par la mise en place d’un ministère qui dépasse le cadre de l’industrie pour intégrer les infrastructures, l’innovation, l’énergie et la formation.
  2. L’impératif de reconstruire des écosystèmes productifs territorialisés avec une forte coopération entre les acteurs.
  3. Penser des politiques publiques territorialisés, qui donnent une place et des moyens aux territoires dans la construction de leur projet industriel.

Et plein d’autres comme la nécessité de repenser la fiscalité et le système d’aides publiques aux entreprises, le meilleur respect des donneurs d’ordre de leur écosystème, casser les logiques de fonctionnement en silo, etc. 

Vous étiez doctorante en CIFRE, pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif ?

Le dispositif CIFRE est un dispositif tripartite entre l’ANRT, une entreprise et un laboratoire de recherche. L’entreprise assure un contrat de travail pendant 3 ans au doctorant et verse une aide aux laboratoires. 

J’ai découvert le dispositif CIFRE par hasard et j’ai trouvé le principe intéressant. Il me semblait permettre pouvoir à la fois accéder à des ressources auxquelles on n’a pas forcément accès en tant que chercheur et d’avoir une sécurité financière qui me permettrait d’effectuer mes recherches dans de bonnes conditions. 

J’ai eu la chance de tomber sur une entreprise très respectueuse de la démarche et prête à me soutenir dans mes recherches. Il n’a pas toujours été facile de trouver un équilibre entre le temps alloué à la recherche et celui alloué à mon entreprise. Mais globalement je tire un bilan positif de l’expérience, si bien que je suis restée dans l’entreprise après ma thèse.

Pourquoi ce choix de ne pas continuer dans une carrière académique ?

Le cabinet m’a proposé très rapidement de passer en CDI et de rester à la fin de ma thèse. J’ai donné plusieurs cours pendant mes années de thèse, mais principalement en droit. Je n’ai commencé les cours en géopolitique qu’en 2020, donc j’ai un profil totalement hybride qui perturbe parfois. L’entreprise où je suis me permet de continuer mes recherches, mais surtout de tester certaines hypothèses de recherche à travers les missions du cabinet, ce qui pourrait s’apparenter à de la recherche action. 

Par ailleurs, si j’aime bien enseigner, j’ai choisi de faire un doctorat pour faire de la recherche et finalement, on peut aussi faire de la recherche en dehors de l’université. 

Vous communiquez beaucoup dans les médias, quelle place accordez-vous à la vulgarisation scientifique ?

De mon point de vue, l’un des premiers enjeux de la recherche est d’apporter aussi des clés de compréhension à la société sur des sujets complexes. Qui connait mieux son sujet et la complexité qu’il sous-entend qu’un chercheur ? Dans une période où la complexité et la nuance semblent ne plus être des normes, offrir un raisonnement scientifique sur les sujets qu’on maîtrise me semble important. La vulgarisation n’exclut pas de faire d’autres types de publications et ne veut pas dire qu’elle ne s’appuie pas sur un vrai travail de terrain, une démarche scientifique, etc. 

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes docteurs qui souhaitent valoriser leur expertise ?

Il est toujours difficile de prodiguer de bons conseils. Mais je dirais dans un premier temps que l’enjeu est d’avoir confiance dans son travail et de ne pas se dénigrer. Le deuxième est d’expliquer simplement en quoi consiste la démarche d’une thèse, les compétences que cela sous-tend, etc. Le troisième serait peut-être d’oser prendre la parole pour défendre ses résultats. 


Par Charles Aymard, responsable du pôle Conseil & stratégie en innovation chez Okay Doc


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