Carrière de docteur : 7 parcours de scientifiques
Comment préparer sa carrière de docteur ? Où saisir des opportunités ? Vers qui se tourner ? Voici quelques éléments de réponses. La convention CARaDOC 2022 avait lieu le 18 mai 2022 dans les bâtiments de CentraleSupélec à l’Université Paris-Saclay. Un événement durant lequel jeunes chercheurs et recruteurs ont pu se rencontrer et échanger. Plusieurs conférences autour du doctorat étaient organisées durant la journée. Yann-Maël Larher, fondateur d’Okay Doc, animait la table ronde “Carrière des docteurs”.
Sommaire de l’article
Faire une césure de thèse pour la suite de sa carrière de docteur
En ce moment, on observe une vraie envie de vouloir recruter des docteurs de la part de l’administration publique. Pour se préparer il faut parler à des personnes qui y sont déjà et côtoient le milieu. La moitié des postes est contractuelle et l’autre fonctionnaire. Depuis 2013, Il y a des concours auxquels il est possible de candidater rien qu’en ayant le statut de “docteur”.
Même si le diplôme d’ingénieur domine encore un peu le doctorat, le fait de se présenter comme docteur est un point bonus pour vous mettre en avant. À la question de savoir s’il existe des dispositifs dans l’administration qui valorisent le doctorat, je dirais qu’avant on ne pouvait pas faire de thèse CIFRE car c’était illégal. Mais maintenant il est possible de faire une thèse en COFRA, qui est l’équivalent de la CIFRE pour l’administration.
Pour préparer son insertion il faut se mettre en condition. Que faire si on ne veut pas avoir un poste dans la recherche académique ? Dans mon cas, je savais que l’entreprise et le monde commercial m’intéressaient un peu moins et j’aimais bien la recherche publique. Quand on se lance dans un doctorat, on espère avoir un fort impact dans notre domaine. Le service public à ce côté “fort impact ». Et pour essayer la recherche publique, il est possible de faire une césure de thèse.
Ça permet de voir si le métier vous plaît ou pas. En outre, le réseau est certes important mais il faut aussi être convaincu de ce qu’on veut faire. Finalement, j’entendais tout à l’heure que les docteurs sont désormais mieux intégrés dans les entreprises. Eh bien, dans les administrations, le constat que je fais est qu’ils sont perçus comme étant stratosphériques. C’est pour ça qu’il ne faut pas paraître “fou” et savoir adapter son vocabulaire, sa manière de présenter le sujet.
Aliaume Lopez, doctorant en informatique, initiative Docteurs et Administration : iDea
Le journalisme scientifique, un métier enrichissant
Après avoir obtenu mon doctorat en physique quantique, j’ai réalisé un post-doc au Canada et en France. Au début, j’avais très envie d’être chercheuse, j’ai passé des concours… avant d’abandonner l’idée. Ensuite, j’ai été au chômage pendant un an pour me poser et réfléchir à ce que je voulais vraiment faire de ma carrière de docteur.
Le journalisme m’a ouvert les bras, c’est un métier très riche dans lequel on apprend tout le temps : j’adorais la science et je voulais quand même utiliser toutes ces compétences acquises qu’on retrouve dans la recherche et mes connaissances pour informer. Les enjeux liés aux changements climatiques et les défis actuels que la société doit relever m’ont passionné.
C’est cela qui m’a donné envie d’écrire et d’informer sur la science. Je suis donc arrivé à TheMetaNews, un média qui parle du monde de la recherche aux chercheurs et chercheuses. Nous abordons, entre autres, la vie quotidienne des chercheurs et les politiques publiques. La rédaction dans le journalisme et l’écriture scientifique sont très différentes. Le fond est le même, mais le style se différencie.
Il faut savoir synthétiser dans les deux cas. Pour le journalisme il faut savoir attirer, rendre vivant et agréable à lire, c’est plus divertissant que l’écriture scientifique. Ce que je préfère dans le métier c’est interviewer, car c’est là qu’on en apprend le plus et qu’on arrive à tirer le meilleur de notre interlocuteur.
Lucile Veissier, docteure en physique, journaliste scientifique à TheMetaNews
Les formations et le réseau sont fondamentales
Ayant réalisé toute ma formation au sein de l’Université CentraleSupélec, je fais partie de ceux qui ont initié l’événement d’aujourd’hui. À l’époque, cela s’appelait RED, puis JRED (journée rencontre entreprise-doctorant) et maintenant CARaDOC. Et je suis très content, car cette année je vois qu’il y a beaucoup de monde. J’ai réalisé une thèse CIFRE avec l’entreprise ArcelorMittal en mécanismes de mouillage des métaux liquides sur les surfaces hétérogènes métal-oxyde. Après l’obtention de mon doctorat, je suis arrivé chez Capgemini Engineering.
Ce qui m’a plu, en plus d’intégrer une grosse boîte, c’est de pouvoir faire autre chose que de la recherche et de la technique dans mon coin : il fallait aller vers les clients et démarcher. Maintenant, depuis plus d’un an, je ne fais plus de recherche mais je suis chargé de trouver les financements pour les projets de recherche. C’est tout aussi passionnant et toutes les compétences transverses acquises grâce à ma thèse m’ont permis de m’adapter facilement.
Le fait d’avoir été dans des associations m’a également donné cette fibre d’aller plus facilement vers les gens. Un autre point à soulever concerne le réseau qui est très important, en plus des formations. Il faut le tisser et l’entretenir. C’est comme cela que j’ai eu l’opportunité de faire ma thèse CIFRE. Pareil pour mon premier CDI que j’ai obtenu grâce à la dernière édition de la JRED.
Moustapha Diallo, docteur à Centrale en CIFRE avec ArcelorMittal – Financement Recherche et Innovation chez Capgemini
Le mouvement des startups est extrêmement intéressant
Mon parcours est assez non-linéaire. J’ai commencé dans la physique fondamentale qui est un domaine avec absolument aucun débouché. Je cherchais du travail par rapport à mon sujet de thèse, mais c’était impossible. C’est pourquoi je me suis posé la question de la reconversion. Il y a plus de 10 ans, c’était les débuts de tout ce qui concerne la data, le machine learning et l’IA. Au début, je voulais lancer une startup, mais je ne m’y connaissais pas vraiment.
Donc j’ai testé des choses en étant financé par Pôle emploi. Cela m’a permis de trouver un job dans une agence web avec à la fois une casquette “R&D” et une autre “développement de produit” dans une petite structure web. Je devais développer l’activité R&D, monter une équipe, créer des logiciels et les vendre. Après 3 ans, j’ai monté ma propre startup deeptech dans l’IA, ce qui m’a poussé un peu plus dans le monde de l’entreprise et ses composantes : réfléchir à son business plan, stratégie marketing commerciale et garder un pied en R&D.
Actuellement, je suis consultant, j’accompagne des PME et des ETI dans la transformation digitale. En tant que docteur le message que je veux faire passer est que le sujet de thèse n’est pas plus important que l’expérience que l’on acquiert durant celle-ci. On avance 3 ans sans visibilité, on est confronté à des ascenseurs émotionnels, à la découverte de nouveaux outils etc.
Ça forge le caractère. Le mouvement des startups est extrêmement intéressant. Il y a beaucoup de choses à faire dans l’IA, la crypto etc. On ne sait pas comment ça va prendre forme, donc il faut des gens capables d’avancer sur le sujet, des profils techniques et d’autres qui gèrent l’interaction humaine. Pousser des projets ce n’est pas uniquement obtenir des résultats mais aussi savoir conduire une équipe. Il y a de la place pour tout le monde, après une thèse on est armés pour apprendre. Il faut se dire “je me lance, peu importe si c’est dans l’inconnu”.
Amine Benhenni, docteur en physique des particuliers, consultant freelance, ex CTO data/IA
La deeptech a le pouvoir de changer le monde
J’ai passé 2 ans à Capgemini Engineering, en compagnie de Moustapha Diallo ici présent, avant d’arriver chez Marble en février dernier 2022. La mission de Marble consiste à investir dans des nouvelles startup en deeptech et incubateur de startup. Nous accompagnons des PhD dans la création de startups en deeptech, car elles ont véritablement le pouvoir de changer le monde. C’est important d’avoir une vision sur le long terme. Nous faisons équipe avec des profils hybrides d’ingénieurs, de chercheurs et d’entrepreneurs.
Ainsi, l’objectif est de trouver des solutions aux enjeux du changement climatique et faire émerger de nouvelles innovations de rupture. Nous touchons à des thématiques aussi diverses que la décarbonation de l’industrie chimique par la bio-production, la captation du CO2 dans l’atmosphère avec un coût énergétique minimal, ou encore l’exploitation de sols agricoles dans les milieux arides. Si je dois donner quelques conseils aux docteurs souhaitant créer leur startup, je dirais qu’il ne faut absolument pas hésiter à prendre des risques, discuter avec des gens qui ont eu ce genre d’expérience. J’ajouterais qu’il faut savoir équilibrer en prenant soin de soi.
Lipsa Nag, docteure en biophysique École Polytechnique, R&D à Capgemini puis Marble
La datascience, un secteur qui recrute
Il y a beaucoup de demandes en data science. De nombreuses personnes pensent que la data science tourne uniquement autour des algorithmes, de l’IA etc. En réalité, 70 à 80% des projets tournent surtout autour de la data (données structurées ou non structurées…). Il faut les nettoyer et les connecter afin d’effectuer un travail d’analyse et finalement pouvoir les exploiter. Le métier de data scientist nécessite un background mathématique, technique et un sens fonctionnel car il faut comprendre sa problématique et savoir l’expliquer.
Après mon master, j’ai côtoyé des médecins. Il fallait poser les bonnes questions, interagir avec ces personnes. À la fin de ma thèse, j’ai pris 6 mois de congés pour comprendre et savoir exactement ce que je voulais faire. J’ai intégré l’entreprise Trimane, une boîte à taille humaine pour apprendre des autres, présenter mes travaux, enseigner, être à proximité des clients.
Le côté humain est fondamental pour moi. Je dirais que j’avais un peu peur de rentrer dans une très grande entreprise et d’être considéré uniquement comme un consultant justement pour ces points. Je souhaitais me sentir à l’aise. Il faut dire que dans certaines boîtes, on considère les doctorants comme des gens qui ne savent pas exactement ce qu’ils veulent.
Bilel Sdiri, Docteur en informatique, traitement d’images et vision par ordinateur de l’Université Paris 13 et l’Université Norvégienne de Science et technologies – R&D Project Manager | Data Scientist à TRIMANE-TBG
Tournez-vous vers la recherche publique pour la région
Une fois mon diplôme d’ingénieur en chimie en poche, je voulais vraiment faire de la recherche et travailler en laboratoire. C’est pourquoi j’ai réalisé une thèse en science des matériaux en cotutelle entre le CNRS à Toulouse et le CEA à Grenoble. Seulement voilà, après avoir obtenu mon doctorat en 2017, l’envie de travailler en laboratoire ne m’animait plus autant. Étant donné que je voulais toujours faire de la recherche à Paris, je me suis intéressé au financement de la recherche. En cherchant, je suis tombé sur un post à la région Île-de-France dans la direction recherche et transfert de technologie.
Chaque année, l’IDF finance de nombreux projets de recherche : des réseaux, des doctorats, des post-doc, des actions de vulgarisation, des projets d’innovations etc. Tous les ans, je suis responsable de la mise en place d’un appel à projet. Donc je reçois plusieurs dizaines de projets tous les ans. Depuis 2017, j’ai accompagné le financement d’une centaine de projets en équipement scientifique. Ce qui m’a vraiment plu c’est d’avoir un œil sur plusieurs sujets en même temps. C’est assez captivant. J’ai commencé en CDD, puis j’ai passé un concours de la fonction publique pour devenir ingénieur territorial.
En novembre dernier j’ai été admis en tant que stagiaire et si tout se passe bien je serai ingénieur territorial dans 1 mois. Pour en arriver où j’en suis, j’ai dû préparer ma carrière de différentes manières. Il a fallu faire un maximum de formations, apprendre à vulgariser. À la fin de son doctorat, on devient expert dans son domaine et on va pouvoir en parler facilement avec des experts mais il faut aussi savoir communiquer à ceux qui ne le sont pas.
Dans mon cas, quand j’ai été pris dans mon emploi, ma cheffe m’a dit qu’ils avaient reçu beaucoup de docteurs en entretien d’embauche mais que ça avait été difficile d’échanger avec eux, comme s’ils ne parlaient pas la même langue. Ce qui m’a avantagé c’est tout le travail de vulgarisation que j’ai effectué en amont, en participant notamment au concours Ma thèse en 180 secondes, en faisant des interventions dans des écoles primaires, et en prenant part à des spectacles scientifiques et humoristiques du comédie club de Toulouse. Je le répète : il faut absolument apprendre à vulgariser, ça vous servira toute votre vie.
Stéphane Louisia, Docteur en chimie des matériaux, Région Ile-de-France
Par Léo Olivieri, journaliste web et responsable de la newsletter Back To Science chez Okay Doc.
À propos de Okay Doc
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