Les sciences humaines et sociales, clés pour comprendre les enjeux de demain en entreprise

Les sciences humaines et sociales, clés pour comprendre les enjeux de demain en entreprise

Interview de Manon Balty, doctorante en sciences humaines et sociales et co-présidente de l'association ADCifre SHS.

Manon Balty, doctorante en sciences humaines et sociales et co-présidente de l’association ADCifre SHS, mène une thèse CIFRE au sein de l’Afpa sur la question de l’insertion socio-professionnelle et du chômage. Elle explique comment elle en est arrivée à ce sujet et comment la CIFRE est un excellent moyen de rapprocher professionnels et chercheurs. Elle souligne également l’importance pour les entreprises de travailler avec les sciences humaines et sociales.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre thèse CIFRE qui porte sur la question du chômage et de l’insertion socio-professionnelle ? Comment êtes-vous arrivée à ce sujet ?

Ma thèse en CIFRE au sein de l’Afpa (Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes) résulte du développement d’un dispositif expérimental d’insertion sociale et professionnel financé par la Région Grand Est dans le cadre du Plan d’Investissement dans les Compétences. L’objectif de cette expérimentation est d’avoir une nouvelle façon d’accompagner les publics les plus éloignés de l’emploi, voire les « invisibles ». Dans ce cadre, mes travaux de recherche permettent d’abord d’évaluer le dispositif sur ses effets sur les bénéficiaires, mais aussi de mieux comprendre les publics sans emploi voire invisibles.

Enfin ma thèse a également pour objectif de comprendre les effets du chômage en termes d’émotion et son lien avec l’employabilité afin d’apporter des outils concrets et des axes d’amélioration aux professionnels. Ce sujet émane donc d’une co-construction, avec les besoins d’évaluation de la part de l’Afpa, et des réflexions scientifiques d’autre part qui émanaient tant de littérature que de réflexions professionnelles liées à mon expérience de terrain précédente.

Ma thèse a également pour objectif de comprendre les effets du chômage en termes d’émotion et son lien avec l’employabilité afin d’apporter des outils concrets et des axes d’amélioration aux professionnels.

Comment avez-vous découvert la thèse CIFRE et pourquoi avez-vous choisi ce mode de financement pour votre doctorat ? Quels sont les avantages ?

J’ai découvert la thèse CIFRE au cours de mes études en psychologie, et particulièrement en master où les enseignants-chercheurs nous parlaient de ce mode de financement des thèses. C’est à ce moment que j’ai envisagé la recherche, sans être sûre d’y mettre les pieds un jour, mais en étant sûre que si j’en avais l’opportunité, c’était en alliant recherche et terrain, afin de les rapprocher et de les faire dialoguer.

La CIFRE a cet avantage important : l’accès au terrain et la co-construction d’une recherche avec le terrain, pour le terrain et pour la science. Je suis entièrement convaincue qu’il faille rapprocher professionnels et chercheurs, et la CIFRE est un excellent moyen de le faire. Également, en tant que doctorante, c’est un excellent moyen de mieux comprendre son terrain, de s’en saisir… C’est aussi un accès facilité à son terrain pour mener l’ensemble de ses recherches mais aussi développer et compléter de nombreuses compétences liées à un domaine professionnel spécifique en plus de compétences liées à la recherche.

Je suis entièrement convaincue qu’il faille rapprocher professionnels et chercheurs, et la CIFRE est un excellent moyen de le faire.

En tant que co-présidente de l’association ADCifre SHS, comment pensez-vous que les sciences humaines et sociales peuvent répondre aux besoins des entreprises ?

À la base de toute entreprise ou de toute économie se trouvent des humains, or l’humain est rarement le premier prisme de lecture de l’entreprise, et plus largement du monde économique. Les sciences humaines et sociales permettent non seulement de mieux comprendre le fonctionnement humain en société, dans ses relations de groupes, au travail, en interindividuel, mais également de créer de l’innovation, d’optimiser des processus, et donc… de nourrir l’économie. Les SHS et les entreprises et largement le milieu économique ont tout intérêt à travailler ensemble : les uns et les autres se nourrissent et doivent coconstruire le futur.

Les sciences humaines et sociales permettent non seulement de mieux comprendre le fonctionnement humain en société, dans ses relations de groupes, au travail, en interindividuel, mais également de créer de l’innovation, d’optimiser des processus, et donc… de nourrir l’économie.

Vous gérez également la communication d’ADCifre SHS, quels sont les objectifs de cette communication ? Quels sont vos publics cibles ?

L’objectif de la communication d’ADCIFRE SHS est d’abord de faire connaître son existence auprès d’un public assez large. En effet, les CIFRE en SHS se développent de plus en plus, mais un nombre conséquent de doctorants, d’entreprises et de laboratoires restent assez démunis face à ce dispositif et ses particularités, en amont mais aussi pendant.

L’objectif est donc de toucher un maximum de personnes afin que chacun puisse trouver des ressources… En premier lieu les doctorants CIFRE SHS et les futurs doctorants CIFRE (ou en projet), mais aussi les docteurs CIFRE SHS, les laboratoires et écoles doctorales et enfin les structures susceptibles d’accueillir des CIFRE en SHS. Diffuser l’information, se rendre visible, c’est montrer l’existant et faire reconnaître des spécificités de la CIFRE en SHS et la plus-value des chercheurs SHS en entreprise.

Avez-vous des conseils à donner aux doctorants et docteurs en sciences humaines et sociales qui souhaitent se diriger dans le privé ?

D’abord : n’ayez pas peur d’oser ! Effectivement, ce sont des places encore rares, parfois peu ou mal reconnues, mais comme tout changement, il faut toujours des pionniers et des porte-paroles. Ensuite, n’hésitez pas à montrer votre plus-value, vos compétences, et pour ça, quand on fait de la recherche en entreprise et notamment en SHS, ne lésinez pas sur vos formations en médiation scientifique. Votre rôle est de rendre accessible votre travail et vos compétences afin de pouvoir communiquer et de montrer réellement ce dont vous êtes capables. Les entreprises vous attendent, mais n’oubliez pas d’apprendre à vous adresser à elles de façon adaptée : elles n’ont parfois pas la culture de la recherche ni son vocabulaire !

Finalement, comment voyez-vous l’avenir des sciences humaines et sociales en entreprise ? Les chercheurs dans ce domaine seront-ils de plus en plus recherchés ?

En tout cas, je l’espère. Les sciences dites « dures » ou « exactes » ont prouvé depuis longtemps leur plus-value dans l’innovation et le changement des entreprises, quid des sciences humaines et sociales ? Le domaine de l’ESS, de la santé, de l’éducation, de la formation (etc.) ont besoin de chercheurs pour innover, mieux adapter leurs offres de services, et les entreprises hors secteur social ont besoin des compétences des chercheurs en SHS pour accompagner le changement, transformer leur management, ou encore anticiper l’intégration des IA au sein des entreprises de demain…

Seuls des chercheurs en sciences humaines et sociales ont les clés pour répondre à ces problématiques. J’y vois un réel potentiel pour les entreprises et j’espère que la plus-value des docteurs en Sciences Humaines et Sociales sera reconnue et aura plus de place en entreprise.

Le domaine de l’ESS, de la santé, de l’éducation, de la formation (etc.) ont besoin de chercheurs pour innover, mieux adapter leurs offres de services, et les entreprises hors secteur social ont besoin des compétences des chercheurs en SHS pour accompagner le changement, transformer leur management, ou encore anticiper l’intégration des IA au sein des entreprises de demain…

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