Révolution dans le traitement des Hémoglobinopathies : Annarita Miccio – Lauréate du Prix de la Région IDF

Révolution dans le traitement des Hémoglobinopathies : Annarita Miccio – Lauréate du Prix de la Région IDF

Entretien avec Annarita Miccio

Le Prix des Innovateurs de la Région Île-de-France récompense chaque année des chercheurs de moins de 45 ans qui ont contribué de manière significative à l’innovation en santé. Dans le cadre d’un partenariat de communication avec ce prix de la Région Île-de-France, Okay Doc vous propose une série d’interviews exclusives. Annarita Miccio, directrice de recherche Inserm à l’Institut Imagine, a reçu le prestigieux Grand Prix du Jury pour son travail novateur dans le domaine des hémoglobinopathies. Sa recherche a abouti à une nouvelle stratégie de thérapie génique basée sur l’édition de bases nucléotidiques pour traiter ces affections génétiques.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre projet ?

Annarita Miccio : Nous avons mis au point un nouveau traitement pour les bêta-hémoglobinopathies, des maladies causées par des mutations affectant l’hémoglobine adulte. Notre laboratoire s’est tout particulièrement intéressé aux mécanismes de réactivation de l’hémoglobine fœtale. Cette hémoglobine n’est exprimée qu’au cours du développement fœtal. La plupart des patients souffrant de β-hémoglobinopathies disposent d’une forme non altérée du gène codant pour cette protéine. Sa réactivation chez les patients thalassémiques et drépanocytaires permettrait de remplacer l’hémoglobine adulte mutée par l’hémoglobine fœtal. Ce changement conduirait à une amélioration sensible de l’état des globules rouges observée pour ces maladies et donc des symptômes associés.

Nous avons exploité la technologie d’édition des bases pour réactiver l’expression de l’hémoglobine fœtale qui peut compenser la déficience en hémoglobine adulte. En particulier, nous avons utilisé l’édition de bases pour générer une variété de mutations induisant efficacement et de façon prolongée l’hémoglobine fœtale en ciblant le gène codant l’hémoglobine fœtale. L’édition des cellules des patients a permis d’éliminer le phénotype pathologique in vitro.

Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur les hémoglobinopathies ?

Annarita Miccio : Je voulais être médecin mais très tôt, j‘ai réalisé qu’il manquait encore des outils pour guérir les maladies génétiques pour lesquelles on connaît souvent la mutation mais où il n’y a pas une solution définitive mais seulement des traitements symptomatiques. C’est pour cette raison que quand j’ai découvert à l’université la thérapie génique, j’ai compris les nombreuses opportunités qu’elle peut nous donner pour corriger des mutations et par conséquent le phénotype clinique des malades (qui sont surtout des enfants) atteints de maladies génétiques.

En particulier, je suis spécialisée dans la Bêta-thalassémie et la drépanocytose parce que ce sont les maladies les plus répandues au monde. Ce sont des anémies génétiques causées par des mutations du gène codant l’hémoglobine. L’hémoglobine dans les globules rouges transporte l’oxygène dans tout notre corps pour assurer le bon fonctionnement des cellules.  Donc chez les patients atteints de β-thalassémie et drépanocytose, le taux d’hémoglobine est faible et nous n’arrivons pas à bien oxygéner toutes nos cellules, donc les symptômes sont la fatigue, les troubles respiratoires, mais aussi et souvent des crises très douloureuses.

Je voulais être médecin mais très tôt, j‘ai réalisé qu’il manquait encore des outils pour guérir les maladies génétiques pour lesquelles on connaît souvent la mutation mais où il n’y a pas une solution définitive.

En quoi votre méthode est-elle différente des approches de thérapie génique conventionnelles ? Quels sont les avantages potentiels de cette nouvelle stratégie en termes de sécurité et d’efficacité ?

Annarita Miccio : La stratégie classique basée sur les vecteurs lentiviraux repose sur l’addition d’un gène bêta-globine exogène qui, cependant, n’est pas aussi efficace que les gènes de globine endogènes tels que ceux codant pour l’hémoglobine fœtale. De plus, ces gènes exogènes sont intégrés de manière semi-aléatoire dans le génome, soulevant ainsi des problèmes de sécurité car ils pourraient potentiellement déréguler l’expression des gènes. Au contraire, les stratégies d’édition du génome ne devraient modifier précisément qu’une seule cible du génome (par exemple les gènes de la globine fœtale). Enfin, les vecteurs lentiviraux sont très coûteux, alors que nous espérons que les réactifs d’édition seront beaucoup moins chers pour pouvoir traiter un nombre élevé de patients.

Concernant les stratégies d’édition du génome, les chercheurs utilisaient jusqu’à présent en clinique des nucléases qui clivent l’ADN et présentaient donc un risque inhérent de l’endommager. Au contraire, la technologie d’édition de base coupe par points la double hélice de l’ADN et est donc plus sûre et plus efficace car elle permet une modification génétique plus précise du gène cible.

La technologie que nous utilisons est plus sûre et plus efficace car elle permet une modification génétique plus précise du gène cible.

Prix des Innovateurs 2023

Pouvez-vous nous parler des prochaines étapes de développement de cette approche et de l’impact attendu sur les patients atteints ?

Annarita Miccio : Nos travaux ouvrent ainsi la voie au développement préclinique et clinique d’un traitement innovant et sûr pour les patients atteints de bêta-hémoglobinopathies, dans l’objectif d’améliorer leur qualité de vie. Une collaboration entre mon équipe à l’Institut Imagine, l’AFM-Téléthon, le service de biothérapie de l’hôpital Necker, Généthon et l’unité INSERM ART-TG est en cours pour réaliser des études précliniques et amener ces approches d’édition de base à la clinique, et donc au patient.

Notre approche thérapeutique efficace peut bénéficier aux patients, au système de santé et à la société dans son ensemble. En effet, outre le fardeau imposé aux personnes atteintes et à leurs familles, les β-hémoglobinopathies ont un impact économique significatif, notamment en termes de coûts de santé et de perte de productivité. Par conséquent, en développant une approche thérapeutique sûre et efficace pour traiter les β-hémoglobinopathies, nous pouvons non seulement améliorer la santé et le bien-être des patients, mais aussi réduire le fardeau économique qui pèse sur la société.

Notre approche thérapeutique efficace peut bénéficier aux patients, au système de santé et à la société dans son ensemble.


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