Réalité étendue : “des technologies utilisées mais pas toujours bien expliquées”

Réalité étendue : “des technologies utilisées mais pas toujours bien expliquées”

Corentin Coupry, doctorant en réalité étendue

Corentin Coupry, doctorant en Réalité Augmentée et Bâtiments connectés à Polytech Angers, a accordé cette semaine une interview exclusive à Okay Doc pour discuter de son parcours académique et professionnel, de son projet de recherche centré sur la réalité augmentée, des premiers résultats marquants de sa thèse en cours ainsi que de ses perspectives futures dans le domaine.

Cette interview est réalisée en partenariat avec RA’pro afin d’accroître la visibilité des doctorants et docteurs en Réalité Augmentée et de renforcer les liens entre la recherche et les entreprises dans ce domaine.

Pouvez-vous commencer par vous présenter et nous parler de votre parcours académique et professionnel ? Qu’est-ce qui vous a conduit à entamer des travaux de recherche dans le domaine de la réalité étendue ?

Corentin Coupry : Bonjour, j’ai une formation d’ingénieur de Polytech Angers, en réalité virtuelle. En fait, j’ai toujours travaillé dans ce domaine. J’ai fini mon diplôme d’ingénieur en double diplôme avec un master recherche en réalité virtuelle. À la suite de cette double expérience, j’ai décidé de m’orienter dans les industries qui s’intéressent au développement de la réalité virtuelle.

J’ai travaillé dans un premier temps chez Artefacto pour développer des applications de réalité augmentée et de réalité virtuelle pour la promotion immobilière et l’événementiel. Ensuite je me suis réorienté vers la recherche en travaillant en tant qu’ingénieur de recherche à Centrale Supélec sur l’utilisation de la réalité virtuelle pour la chirurgie éveillée.

J’ai eu la chance ensuite de commencer un CDI dans une start-up qui s’appelle Simango, et qui fait des formations de réalité virtuelle pour le médical. Au bout d’un an je me suis rendu compte que la recherche me manquait, et du coup, j’ai eu l’opportunité de faire une thèse dans la XR (réalité étendue). En fait, tout mon parcours a toujours été orienté autour de la réalité étendue donc je n’ai pas décidé de m’orienter dedans, c’est que j’étais déjà dedans initialement.

Au bout d’un an je me suis rendu compte que la recherche me manquait, et du coup, j’ai eu l’opportunité de faire une thèse dans la XR (réalité étendue). En fait, tout mon parcours a toujours été orienté autour de la réalité étendue donc je n’ai pas décidé de m’orienter dedans, c’est que j’étais déjà dedans initialement.

Pouvez-vous nous parler de votre projet de recherche en réalité étendue : quelle a été la problématique centrale, quelles ont été les hypothèses ?

Corentin Coupry : Ma recherche a porté sur l’utilisation de la réalité étendue (XR) dans le domaine de la construction, en particulier en relation avec les jumeaux numériques des bâtiments. Il faut comprendre que les jumeaux numériques sont une innovation récente dans ce secteur. Ces jumeaux servent de modèles 3D extrêmement détaillés et interactifs des bâtiments, constamment mis à jour avec des données en temps réel.

Ma recherche a porté sur l’utilisation de la réalité étendue (XR) dans le domaine de la construction, en particulier en relation avec les jumeaux numériques des bâtiments.

Nous avons étudié comment ces technologies peuvent être combinées pour la maintenance des bâtiments, un domaine qui représente près du tiers des coûts du cycle de vie d’un bâtiment. Bien que les outils XR aient déjà prouvé leur utilité dans des contextes industriels généraux pour la maintenance, leur application spécifique à la construction est encore en phase d’exploration.

En examinant la littérature existante, nous avons remarqué que le thème de la collaboration revenait souvent. C’est particulièrement important lors des opérations de maintenance, où les techniciens sur le terrain peuvent avoir besoin d’une assistance supplémentaire. Cette aide peut venir soit d’outils, soit d’un expert distant.

Initialement, nous pensions travailler sur l’intelligence artificielle et les simulations permises par les jumeaux numériques. Mais nous avons vite réalisé que le rôle de l’humain était crucial, surtout dans le contexte de l’industrie 5.0, qui met l’humain au centre des opérations technologiques. Les simulations et les intelligences artificielles, en effet, nécessitent souvent une expertise supplémentaire que l’opérateur sur le terrain n’a pas forcément.

Ainsi, notre focus s’est déplacé vers la création d’un système de collaboration en temps réel entre un expert distant et un opérateur sur le terrain, en utilisant le jumeau numérique du bâtiment comme outil de liaison. Dans ce scénario, l’expert n’est pas simplement assis devant un ordinateur. Grâce au jumeau numérique, il peut accéder à une représentation 3D du bâtiment et interagir directement avec elle pour aider l’opérateur sur le terrain.

Nous avons également cherché des méthodes d’interaction plus immersives que le simple clavier et la souris, explorant les possibilités de la réalité virtuelle. L’opérateur sur le terrain, quant à lui, utiliserait un casque de réalité mixte comme le Hololens, qui permet une interaction avec le monde virtuel et le monde réel simultanément.

Pour résumer, notre question centrale a été de déterminer si ce mode de collaboration, spécialement pendant les phases d’inspection, pourrait réduire le temps nécessaire pour effectuer des opérations de maintenance. Notre hypothèse était que cette méthode de collaboration, grâce à l’assistance d’un expert distant, permettrait en effet de rendre l’opération plus efficace.

Votre thèse est en cours, mais pouvez-vous nous parler des premiers résultats ou des découvertes que vous considérez comme marquantes en réalité étendue ?

Corentin Coupry : Lors de notre recherche, nous avons obtenu une multitude de résultats, certains attendus, d’autres plus surprenants. Une des découvertes les plus remarquables a été le constat que les opérateurs sur le terrain comprenaient plus facilement les directives données par un expert lorsque celles-ci étaient transmises via un casque, comme le Hololens, plutôt que via une tablette. Dans notre expérience principale, nous avons comparé l’efficacité du casque à celle de la tablette. Les retours indiquent que les opérateurs avaient l’impression d’avoir une « petite voix dans la tête » qui les guidait, ce qui a significativement amélioré leur compréhension des tâches.

Une des découvertes les plus remarquables a été le constat que les opérateurs sur le terrain comprenaient plus facilement les directives données par un expert lorsque celles-ci étaient transmises via un casque, comme le Hololens, plutôt que via une tablette.

Toutefois, nous n’avons pas encore suffisamment de données pour valider pleinement cette observation. Mais c’est un premier indicateur qui nous incite à approfondir cette piste.

En outre, notre solution de collaboration semble fonctionner aussi bien pour des opérations nécessitant l’usage des deux mains que pour celles nécessitant une seule main. Cela nous montre que bien que la tablette puisse être utile, le casque offre une plus grande flexibilité et optimisation du travail, quelle que soit la complexité de l’opération.

Lorsqu’on a demandé aux participants s’ils avaient appris quelque chose de nouveau grâce à l’expérimentation, les réponses n’ont pas montré de différences significatives en termes d’apprentissage entre le mode casque et le mode tablette. Ceci peut être dû au fait que notre expérimentation s’est principalement concentrée sur l’aspect opérationnel et non sur la transmission d’informations de la part de l’expert.

En termes de prochaines étapes, nous envisageons de nous concentrer également sur le rôle de l’expert. Nous réfléchissons à intégrer des modèles de simulation directement dans notre solution. L’objectif serait d’améliorer encore plus l’efficacité des inspections grâce à l’intelligence artificielle, tout en bénéficiant de l’expertise humaine.

Pouvez-vous nous parler de votre futur parcours professionnel dans le domaine de la réalité étendue ?

Corentin Coupry : Je vais commencer un ATER à l’université et mon intérêt se porte sur l’enseignement et la recherche en réalité étendue (augmentée et virtuelle). Je pense que ces technologies ont un grand potentiel et pourraient même remplacer nos téléphones portables dans le futur. Leur intégration dans divers domaines, y compris l’automobile avec les systèmes d’aide au parking, montre leur pertinence croissante.

Dans le secteur éducatif, j’ai remarqué que ces technologies sont parfois utilisées mais pas toujours bien expliquées. Quant à la recherche en France, elle est abondante mais pas encore assez accessible au grand public. Beaucoup sont encore surpris par des technologies qui sont en réalité bien établies dans la recherche et l’industrie, comme la reconnaissance gestuelle.

Dans le secteur éducatif, j’ai remarqué que ces technologies sont parfois utilisées mais pas toujours bien expliquées. Quant à la recherche en France, elle est abondante mais pas encore assez accessible au grand public.

Je vois un grand potentiel d’application, non seulement dans le milieu industriel mais aussi dans le grand public. Une infirmière m’a par exemple suggéré que la réalité augmentée pourrait être très utile pour la formation dans le milieu hospitalier, permettant à un chirurgien d’assister un autre chirurgien à distance. Il y a déjà des expériences qui ont été faites dans ce domaine, mais c’est loin d’être démocratisé. Les applications pourraient aussi se décliner dans la formation et la pédagogie, et même dans des domaines comme les réunions d’entreprise ou la communication.

L’expérience du confinement nous a montré qu’un grand nombre de métiers peuvent fonctionner à distance. En ce sens, le développement de technologies de collaboration à distance devient essentiel. Déjà, des géants comme Facebook et Microsoft sont en train d’explorer ces pistes. Et compte tenu des considérations environnementales, réduire les déplacements non essentiels grâce à ces technologies serait un atout supplémentaire.

L’expérience du confinement nous a montré qu’un grand nombre de métiers peuvent fonctionner à distance.

C’est pourquoi je pense continuer mes recherches sur les aspects de la collaboration à distance et virtuelle. Il est crucial d’intégrer ces technologies dès le stade éducatif, pour préparer les futurs professionnels à utiliser ces outils dans leur domaine de travail, que ce soit dans le social, la santé ou autre.

L’interview au format vidéo, par RA’pro


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