Médiation scientifique : « La BD, un format ludique pour raconter le doctorat »

Médiation scientifique : « La BD, un format ludique pour raconter le doctorat »

Interview Alexandra Sauvêtre

Alexandra Sauvêtre est jeune docteure en Chimie et spécialisée en physico-chimie des matériaux. Pour Okay Doc, elle explique son parcours en tant que doctorante, nous en dit plus à propos d’un projet de bandes dessinées sur la médiation scientifique et raconte son passage au concours Ma Thèse en 180 secondes.

Quel est votre domaine d’activité ?

Je travaille aujourd’hui pour une société de traitement d’eau, qui a pour objectif dans les années futures de développer de nouveaux produits verts pour le traitement d’eau. Et c’est d’ailleurs grâce à LinkedIn que j’ai eu l’opportunité de découvrir et de passer un entretien pour ce poste d’ingénieur R&D. Même si ma formation de docteure m’a permis de me spécialiser en physico-chimie, j’ai accepté cette offre pour me challenger sur un tout autre sujet.

Je considère en effet que nous ne sommes pas voués à travailler dans le même domaine d’activité au cours de notre carrière et que le doctorat offre justement cette possibilité de s’adapter très vite à d’autres enjeux. Mais pour cela, il faut que quelqu’un ait envie de miser sur nous.

Décrivez-nous votre parcours de thèse ?

 J’ai réalisé ma thèse sur un sujet qui n’a rien à voir avec le traitement de l’eau. Je l’ai faite dans le domaine public au Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris (LCMCP). Mon projet doctoral visait à développer une nouvelle méthode portable de révélation d’empreinte. Il a été financé par l’agence nationale de la recherche (ANR) et a fait intervenir la police et la gendarmerie scientifique, la startup Crime Science Technology et deux laboratoires académiques avec le LCMCP et le PPSM situé à Paris-Saclay.

Ce projet a été couronné de succès, puisqu’une solution brevetée a vu le jour. Cette expérience de thèse sur un sujet pluridisciplinaire comme celui-ci m’a permis de développer de nombreuses compétences transverses comme la gestion de projet, ou encore le traitement de données en touchant aussi à la chimie des matériaux.

​​Vous êtes engagée dans la vulgarisation scientifique avec un projet de bande dessinée sur le doctorat. Pourquoi ce choix de la BD ?

Lorsque j’ai achevé ma thèse je me suis demandé comment je pouvais me réapproprier mon travail. Plutôt que de présenter mon travail de manière institutionnelle et académique, j’ai souhaité opter pour un format ludique. J’ai pensé que la bande dessinée était le format le plus approprié pour raconter une histoire, ce que j’avais fait et partager mon expérience de doctorante.

Une de mes amies avait fait une formation en illustration scientifique dans une école d’art. Elle a ainsi pu m’aider à exprimer concrètement ma pensée par le dessin. Il fallait que cela s’adresse à trois publics différents : au grand public, aux experts qui travaillent dans le domaine de la chimie et à ceux du domaine des sciences légales dans le monde des empreintes digitales.

Les démarches de médiation scientifique sont à mes yeux indispensables bien qu’encore mal perçues des chercheurs qui préfèrent publier…, sans forcément prêter attention à la compréhension du grand public alors que c’est justement l’argent public qui les rémunère ! Cet effort de vulgarisation est capital pour éviter la prolifération de fake news et pour faire connaître la réalité du métier de chercheur. J’ai pour projet futur de repartir sur un autre projet de BD dans lequel je donne, cette fois-ci, la parole à d’autres personnes : chercheurs, docteurs et doctorants.

En 2019, vous êtes finaliste nationale de « MTEN180s », pouvez-vous raconter cet épisode et ce que vous en avez retiré ?

J’ai eu en effet l’opportunité de participer à Ma Thèse en 180 s car je devais réaliser 60 heures de formation dans le cadre de mon projet de formation doctorale. J’ai été sélectionnée pour la finale de Sorbonne-Université. Cela a avant tout été pour moi une expérience humaine qui m’a permis de côtoyer des doctorants aux spécialités différentes de la mienne mais qui se heurtent aux mêmes problématiques structurelles. Je suis même devenue amie avec l’une d’entre eux. Je n’ai jamais vu ce concours comme une compétition mais plutôt comme un exercice d’humilité et d’ouverture au cours duquel on a pu se coacher les uns les autres.

En revanche, ce qui m’a un peu déçue lors de la finale nationale, c’est ce côté “politique” qui rentre en jeu. D’un côté, nous devions représenter la richesse de la recherche française et de l’autre, il était impossible d’alerter sur nos difficultés du quotidien. En ce sens, je trouve qu’on utilise les doctorants comme une vitrine. Pour moi, l’essentiel était qu’au terme du pitch, le grand public puisse saisir le contexte et les enjeux de mon travail de recherche. C’est à travers ce type d’exercice qu’il est possible d’expliquer et de résumer avec des mots simples les objectifs d’un travail de thèse. Le plus important à la fin du pitch de MT 180s c’est que la personne du public puisse comprendre le contexte, pourquoi cette recherche est importante, etc.

Le diplôme de doctorat est-il suffisamment reconnu ?

Après mon doctorat, je me suis demandé si j’avais envie de faire un post-doc ou non avant de travailler en entreprise. J’aurais tout à fait pu poursuivre mon parcours au sein du monde académique où le diplôme de docteur est largement reconnu. Cependant, Je ne souhaitais pas enchaîner les CDD et j’ai préféré me consacrer à la recherche d’un CDI en entreprise.

J’ai pu réaliser que le doctorat était encore mal connu au sein du secteur privé, contrairement aux écoles d’ingénieurs qui sont reconnues comme formation d’excellence. Et il ne faut pas oublier que le doctorat, c’est avant tout une première expérience professionnelle en CDD.

En outre, une partie des docteurs diplômés obtiennent un poste, non pas grâce à leur doctorat, mais en tirant profit de leurs expériences passées au sein d’écoles d’ingénieurs. En comparaison, une personne qui n’est pas passée par une école d’ingénieur et qui a réalisé une superbe thèse aura beaucoup de difficulté à avoir accès à certaines opportunités et à trouver un poste.

Est-ce un problème de mentalité française ?

Oui absolument. Le doctorat est en concurrence avec les grandes écoles alors que c’est le diplôme le plus fort de l’enseignement supérieur. On va alors retrouver en entreprise énormément de profils venant d’écoles d’ingénieurs et qui vont par la suite engager des personnes qui leur ressemblent et dont ils connaissent la formation. C’est un système très ancré et il faut que les étudiants prennent confiance et apprennent à se valoriser eux-mêmes.

Je pense aussi que les structures de recherche, que ce soit le laboratoire d’accueil, les chercheurs ou alors l’université, doivent se poser certaines questions sur la formation et l’insertion des docteurs. Quel devenir pour les docteurs ? La formation proposée prépare-t-elle à d’autres solutions que la recherche publique ? Il n’y a pour l’instant aucune structure d’accompagnement.

De mon côté, je participe aux activités du Club des docteurs de Sorbonne Université avec lequel on essaye d’organiser des évènements, d’inviter des personnalités justement pour créer une dynamique. C’est là que réside notre faiblesse par rapport aux grandes écoles qui possèdent de vrais Alumni destinés à encadrer et accompagner les nouvelles promotions. Une fois que le doctorant a fini sa formation, il disparaît.


Par Léo Olivieri, journaliste web et responsable de la newsletter Back To Science chez Okay Doc.




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