Les marchés financiers face à l’urgence climatique et environnementale
En Mars 2020, alors que le COVID 19 se rependait en Europe, le Forum économique mondial publiait son rapport annuel sur les plus importants risques pour l’économie globale. Pour la première fois, les cinq risques les plus probables étaient tous environnementaux, et le risque ayant l’impact potentiel le plus important n’était plus celui lié aux armes de destructions massives, mais bien le risque lié à une incapacité à faire face au changement climatique (World Economic Forum, 2020).
Quelques mois auparavant, Larry Fink, président de BlackRock, le gestionnaire d’actif le plus puissant du monde, publiait sa lettre annuelle destinée aux dirigeants de toutes ses entreprises partenaires. Dans ce document tant attendu chaque année, Larry Fink affirme qu’il faut considérer le risque climatique comme un risque d’investissement, et donc un réel risque pour la performance de toutes les entreprises. Aussi, d’après cette lettre, les entreprises qui n’effectuent pas suffisamment d’efforts afin de faire face au changement climatique pourront s’attendre à une réaction du gestionnaire.
La veille de la pandémie du COVID 19, le monde économique et financier tirait enfin la sonnette d’alarme sur les risques environnementaux et climatiques. Mais quels sont ces risques et comment les entreprises et les investisseurs peuvent y faire face ?
Sommaire
Les 1001 définitions de la finance responsable
Afin d’avancer sur cette problématique, les entreprises et les investisseurs tentent aujourd’hui de comprendre, mesurer et communiquer sur leur performance environnementale et climatique, et beaucoup d’outils différents sont utilisés. On parle du « Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TFCF) », des « Principales of Responsible Investing (PRI) » ou du « Global Reporting Initiative » pour n’en citer que quelques-uns. En regardant plus près, on constate qu’il existe tellement d’initiatives et de façon d’approcher le concept de performance environnementale que les acteurs parlent rarement le même langage.
Afin de pouvoir investir de façon responsable, les acteurs financiers ont intégré des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur prise de décision d’investissement afin d’identifier les entreprises, actifs ou projets ayant les meilleures performances extra-financières, créant ainsi le marché de l’investissement socialement responsable (ISR). En 2018, le marché de l’ISR est évalué à plus de 30 000 milliards de dollars (GSIA, 2018), ce qui représenterait prêt de 40% de l’ensemble des actifs sous gestion dans le monde (BCG, 2018). Cependant, quand on analyse les rapports les plus récents portant sur ce marché, on réalise que des dizaines de critères, de normes ou de types d’investissements responsables différents sont mentionnés en Europe et aux Etats-Unis, les termes et approches semblant varier en fonction des types d’acteurs, des industries et des zones géographiques, sans réel cadre délimitant précisément ce marché.
En analysant la littérature académique, on réalise également qu’il n’existe pas de réel consensus sur la définition précise du concept d’ESG, et des dizaines de termes différents sont associés à ce concept, en passant par des notions comme le « talent entrepreneurial » et le « transfert de connaissance » (Friede, Busch and Bassen, 2015). La littérature plus spécifique portant sur la définition du concept de performance environnementale des entreprises n’est pas bien différente. Ici, on évalue la performance environnementale en utilisant des mesures toutes différentes : émissions de CO2, consommation d’énergie, déchets, consommation d’eau. Les sources de données et échantillons étudiés sont également tous très différents.
Alors que les risques environnementaux et climatiques s’appliquent à l’ensemble du système économique et financier, chacun semble définir ses propres objectifs, et utilise ses propres définitions et mesures de performance environnementale et climatique. Il n’y a donc aucune façon de savoir quel est l’impact environnemental actuel des entreprises et comment le minimiser, car ces données et approches ne sont pas comparables.
La réaction du régulateur européen
Cette problématique a attiré l’attention des régulateurs, et notamment de la Commission Européenne, qui a mis en place en 2018 un « plan d’action sur la finance responsable », contenant 10 actions toutes dirigées vers un type d’acteur spécifique faisant partie des marchés financiers. Au cœur de ce plan, la Taxonomie Européenne, un système de classification mise en place par un groupe d’expert en finance responsable permettant de définir clairement ce qui compose la finance responsable.
Dans le cadre de cette taxonomie, 6 objectifs environnementaux clairs ont été définis, et une liste d’activités économiques représentant 93.5% des émissions de gaz à effet de serre a été identifiée. Pour chaque activité économique, des critères spécifiques à respecter ont été développés. Si cette liste de critère est respectée par une entreprise, celle-ci est alors considérée comme étant alignée avec la taxonomie pour cette activité.
Finalement, vient s’appuyer à ce travail une réglementation européenne qui impose aux entreprises et aux acteurs financiers qui investissent dans ces entreprises de déclarer le pourcentage de leur chiffre d’affaire ou de leur portefeuille d’investissement aligné avec la taxonomie.
En effectuant ce travail, la Commission Européenne trouve une solution au problème du marché. L’approche de la finance responsable est adaptée à chaque industrie, elle se focalise sur les entreprises et leurs investisseurs et ne s’applique qu’aux acteurs de l’Union Européenne. On passe d’une approche multi-dimensionnelle complexe à une approche binaire très simple : soit une entreprise est alignée avec la taxonomie européenne, soit elle ne l’est pas.
Mais comment doivent réagir ces acteurs ? Comment la Commission va-t-elle procéder afin d’imposer la mise en place de cette nouvelle approche européenne ? Comment vont faire les entreprises pour s’adapter à cette taxonomie ? Avec cette solution pourtant nécessaire, la Commission Européenne créée de nouvelles problématiques pour les entreprises et donc un nouveau besoin d’expertise dans cet espace qui né alors entre les régulateurs, les investisseurs et les entreprises sur la finance responsable.
Par Romain Berrou, Docteur en finance responsable
Sources
BCG, 2018. “Global Asset Management, 2018. The Digital Metamorphosis.”
Friede, G., Busch, T. and Bassen, A., 2015. ESG and financial performance: aggregated evidence from more than 2000 empirical studies. Journal of Sustainable Finance & Investment, 5(4), pp.210-233.
GSIA, 2018. “Global Sustainable Investment Review 2018.”
World Economic Forum, 2020. “Global Risks Report 2020.”
Vous souhaitez rester au courant de l’actualité scientifique et technologique ? Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire Back To Science.
À propos de Okay Doc
Startup innovante, Okay Doc fait correspondre l’expertise des ingénieurs et des chercheurs (doctorants ou Phd) aux besoins opérationnels des organisations quelles que soient leur taille :- Okay Doc Career : un service clé en main pour votre recrutement au niveau B+5 à Bac +8 grâce à notre équipe de chasseurs de talents. Nous travaillons au succès et sans exclusivité.
- Sourcing & recrutement Ingénieur (bureau d’études, R&D, etc.)
- CIR jeune docteur ou PhD (modalités financières)
- Sourcing & Recrutement Bac +8 (thèse Cifre, PhD, Post-Doc)
- Okay Doc Institute - nous donnons accès à des chercheurs et à des experts à la demande dans différentes disciplines suivant vos besoins opérationnels :
- Conférenciers & vulgarisateurs scientifiques (conférences thématiques, séminaires d'entreprise, atelier ou déjeuner inspirant)
- Services en communication scientifique (réseaux sociaux, web, événementiel)
- Expertise à la demande (stratégie, innovation et R&D)
- Formations sur-mesure (agrément Qualiopi)