Biologie du sport : « L’Inde favorise le doctorat beaucoup plus qu’en France »

Biologie du sport : « L’Inde favorise le doctorat beaucoup plus qu’en France »

Kévin Caillaud

Okay Doc donne la parole à des chercheurs et entrepreneurs qui font le lien entre le monde de la recherche et celui des entreprises. Retrouvez cette semaine notre entretien avec Kévin Caillaud, docteur en biologie spécialisé dans le sport.

Quel est votre domaine de spécialité ?

Ma spécialité scientifique initiale est la physiologie cellulaire et le métabolisme chez l’humain. Je suis également spécialisé dans l’application de ces deux sciences fondamentales à la compréhension des effets de l’exercice ou de la nutrition sur la performance ou la santé humaine.

J’ai une double spécialité interventionnelle en science du mouvement et nutrition qui me permet de prendre en charge des individus dans leur problématiques personnelles.

Pouvez-vous nous détailler les principaux résultats de vos recherches ?  

Mes recherches initiales ont montré le potentiel d’une molécule à clivage transmembranaire, la neuréguline, à réguler la production de glucose hépatique chez la personne âgée. Mes travaux ont également mis en lumière les limites des modèles cellulaires à décrire des phénomènes chez un organisme mature, notamment en ce qui concerne des molécules impliquées dans l’embryogenèse comme la NRG1.

Par la suite, j’ai orienté mes travaux sur des domaines plus translationnels et appliqués comme l’optimisation de la santé de l’athlète féminine ou les évaluations biomécaniques chez l’athlète de haut niveau.

Quelles sont les 3 conclusions principales de vos travaux ?

La NRG1 peut être utilisée pour modérer l’hyperglycémie liée à l’âge sur un modèle murin. L’exercice physique ne provoque pas de clivage de la NRG1 à l’âge adulte chez le rat car son expression au niveau du muscle squelettique est négligeable.

Les modèles de cultures cellulaires ne devraient pas être utilisés pour investiguer des mécanismes chez l’individu adulte pour ce qui concerne des protéines exprimées très fortement en phase fœtale ou embryonnaire. Les femmes sportives souffrent de pathologies plus fréquentes liées à la nutrition et nécessitent un suivi optimisé prenant en compte le cycle menstruel en particulier.

Vous vous êtes spécialisé dans le domaine du sport, pourquoi ?

Je suis spécialisé en exercice physique et nutrition, j’ai évolué vers le monde du sport de haut niveau car les moyens y étaient plus conséquents pour y gagner correctement ma vie. Aujourd’hui j’ai fait mon retour à la santé et mes recherches ont un lien très étroit avec la kinésithérapie. 

Je me suis spécialisé dans ce domaine scientifique (exercice, nutrition, biologie cellulaire) car c’est une manière d’investiguer le potentiel qu’à chacun d’entre nous d’optimiser le fonctionnement de son organisme dans un objectif de santé ou de performance.

Comment avez-vous réalisé la transition entre l’univers de la recherche et le monde de l’entreprise ?

Je n’ai jamais choisi en réalité, j’ai démarré ma thèse en étant consultant à temps partiel à coté et je n’ai cessé de développer mon activité. Je me suis éloigné de l’univers académique, après ma thèse, pour me mettre à mon compte tout en poursuivant des activités de publication et d’enseignement par ailleurs.

J’ai saisi une opportunité 3 ans après ma thèse de diriger les sciences dans un centre olympique et quand je suis rentré deux ans après je me suis lancé dans l’aventure start-up, avec ATIUM Sport, suite à certaines observations de terrains. Mon aventure start-up n’a pas été un succès retentissant mais j’y ai acquis un réseau et des compétences qui ont attiré l’attention d’un chef d’entreprise qui m’a proposé de le rejoindre.

Aujourd’hui je dirige la recherche clinique et l’expertise scientifique chez KINVENT, j’allie à la fois la recherche et l’ingénierie produit, par ailleurs je continue à temps partiel une activité de consultant.

Vous avez également de l’expérience en Inde, pourquoi avoir choisi ce pays ? Et pourquoi partir à l’étranger ?

La vie est une question d’opportunité qu’il faut saisir, je faisais des recherches pour vivre l’expatriation et une offre a retenu mon attention. Mon background scientifique allié à mon expérience de terrain m’ont permis de décrocher le job.

L’inde est en pleine mutation et recherche des compétences étrangères dans le sport pour élever sa compétence nationale. D’autre part, la culture anglo-saxonne de l’Inde en fait un pays qui valorise le doctorat (PhD) beaucoup plus qu’en France.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes docteurs qui souhaitent valoriser leur expertise ?

Il y a beaucoup à dire mais je garderais les points suivants :

  • De savoir valoriser les compétences transversales et globales qu’ils ont acquises et non leur micro-domaine de spécialité, l’ingénieur vend son titre d’abord et ensuite sa spécialité. Les docteurs devraient faire de même!
  • Par extension, d’assumer d’être DOCTEUR, pas doctorant, pas thésard, pas chercheur etc. certaines personnes ne veulent pas entendre ce terme qu’ils attribuent à tort exclusivement aux médecins. Il faut marteler et ça finit par rentrer.
  • Ne surtout pas écouter les chercheurs universitaires leur parler de carrière sauf s’ils n’envisagent rien d’autre que l’université.
  • De se familiariser le plus tôt possible avec le monde de l’entreprise et son jargon.
  • De se former le plus tôt possible au management de projet et à l’ingénierie produit, il faut parler le langage de l’industrie pour y pénétrer.
  • A tort le monde de l’entreprise associe la recherche à une quête sans but ou sans fin, parlez d’INNOVATION autant que possible. C’est la même chose mais le monde de l’entreprise connaît mieux l’intérêt de l’INNOVATION (qui est le produit de la recherche).

Par Charles Aymard, responsable du pôle Conseil & stratégie en innovation chez Okay Doc


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