« Hyper-connexion des cadres » Interview de Cindy Felio, docteure en SHS
Docteure en Sciences de l’information et de la Communication de l’Université de Bordeaux Montaigne, les domaines d’expertise de Cindy Felio s’articulent autour de la digitalisation des activités, de la communication organisationnelle et des nouvelles formes d’emploi.
Cindy Felio se livre à Okay Doc et nous en dit un peu plus sur son parcours, sur la création de Okay Doc, sur les Sciences Humaines et Sociales en général et nous parle d’un sujet d’actualité : la surcharge cognitive.
Sommaire
Alors que nous vivons actuellement une transformation numérique du travail, notre cerveau est de plus en plus mis à l’épreuve ce qui peut provoquer une surcharge cognitive du travail. Comment pouvons-nous agir sur cette surcharge cognitive ?
L’omniprésence des écrans dans nos vies contribue en effet largement à des formes de surcharge cognitive, et cela concerne les différentes sphères de vie de l’individu contemporain. Dans sa vie professionnelle, personnelle, sociale, mais aussi dans sa posture d’usager et de consommateur, l’individu est aujourd’hui face à un flux d’information sans fin, avec des dispositifs technologiques qui captent son attention par son design fortement affordant. La manutention de l’information, la reconstruction de son sens, tout comme le phénomène d’hyperconnexion permise par les outils nomades, contribue à cette surcharge cognitive.
« L’essence des ressources humaines réside dans l’équilibre entre la performance organisationnelle et le bien-être des collaborateurs, car une entreprise prospère lorsque ses employés s’épanouissent. »
Au travail, le digital joue le rôle de médiateur de problématiques déjà présentes dans les organisations (surcharge de travail, problème de management, conflits interpersonnels, isolement…), intensifie et accélère les conséquences psychosociales (souffrance au travail, burnout…). Plusieurs modalités existent pour agir sur cette surcharge cognitive : d’abord une régulation organisationnelle à privilégier, en termes de conditions de travail et de management, pour objectiver les pratiques numériques délétères contextualisées au collectif de travail ; mais encore une régulation individuelle consistant à faire un travail réflexif sur ses propres usages, à un meilleur équilibre temporel (octroi de pauses), à mettre en place des stratégies de filtrage, de préservation de ses sphères de vie.
Quel est votre parcours ?
Mon parcours est celui d’une psychologue du travail, qui a démarré ses fonctions dans un cabinet conseil spécialisé en gestion de carrières, passionnée par les dynamiques collectives et organisationnelles. J’ai ensuite décidé de m’investir dans un travail de thèse portant sur les liens entre santé au travail et digitalisation, sur un public de cadres et dirigeants (programme de recherche international DEVOTIC). Le métissage des approches en psychologie du travail et en sciences de l’information et de la communication était particulièrement séduisant, ce qui m’a conduit à tisser un canevas théorique et méthodologique de recherche à la fois biographique, clinique, pragmatique et sociotechnique. Mes terrains de recherche ont toujours été profondément ancrés en lieu et place des organisations.
Dès la première année de ma vie de jeune chercheuse, j’ai développé des missions de conseil, en tant que freelance, auprès d’entreprises privées et publiques sur le sujet de la digitalisation du monde du travail. Cette activité de valorisation auprès de professionnels a contribué à nourrir mes recherches.
Suite à l’obtention de mon doctorat, j’ai exercé les fonctions d’enseignante chercheuse en tant qu’ATER à l’Université Bordeaux Montaigne. Depuis 4 ans maintenant, je travaille au sein d’un laboratoire privé parisien (Freeland Group) en tant que chercheuse en entreprise, sur les mutations du travail, les nouvelles formes d’emploi, le freelancing, l’ubérisation, les tiers-lieux, mais encore les collectifs hybrides de travail entre indépendants. Sur mes temps gagnés, je continue à intervenir en entreprise en tant que consultante sur les questions de digitalisation des activités et du droit à la déconnexion. Je suis toujours associée à mon laboratoire d’origine, le MICA (EA 4426) de l’Université Bordeaux Montaigne, au sein duquel je travaille sur les incivilités numériques en contexte d’enseignement (programme CIVILINUM).
Pourriez-vous nous en dire plus sur vos travaux ?
Mon expertise de recherche porte en grande partie sur la formalisation théorique du lien entre la santé au travail et la digitalisation, en montrant que le travail et les usages numériques ne sont qu’une seule et même question à traiter. Mes travaux ont pu identifier le rôle de médiateur joué par les usages des TIC au travail, en détaillant leurs effets sur les process de travail, le rapport à l’information et à la communication, la manière de considérer son métier et de le réaliser, mais encore les effets cognitifs et émotionnels de l’hyperconnexion sur les individus, leur entourage professionnel et leurs proches.
Une autre expertise de recherche plus récente est celle que j’ai développée sur la question de la transformation du marché du travail et de l’emploi, en portant une focale sur ses zones grises (statuts hybrides, freelancing, ubérisation…). Ma contribution ici se situe au niveau de l’objectivation de la réalité du travail des indépendants, travailleurs aux contours flous, aux trajectoires très hétérogènes, et dont l’identité professionnelle reste floue, en marge de l’image de l’entrepreneuriat classique. Les questions de carrière des indépendants, du désenchantement du salariat, de la précarité dans des statuts indépendants, des collectifs hybrides (tiers-lieux…), mais encore de la question artistique et artisanale dans les nouvelles formes d’emploi, en résument l’objet global.
Comment la transformation numérique du travail impacte-t-elle les Sciences Humaines et Sociales et inversement ?
Dans un monde en quête de sens et de renouvellement des manières de faire travail à l’aune de la digitalisation des activités, l’apport des Sciences Humaines et Sociales est ici indéniable. Les entreprises, tout comme les politiques publiques, doivent faire face à une réalité complexe. La valeur ajoutée des Sciences Humaines et Sociales consiste en la mise à disposition d’outils méthodologiques, théoriques et pratiques pour y répondre, ou du moins pour orienter des problématiques stratégiques profondément ancrées dans une réalité sociale enchevêtrée. Tendre un miroir à notre société contemporaine à travers les disciplines de la sociologie, de la psychologie, de la gestion, de l’anthropologie, de l’économie, de l’infocom, l’histoire, etc., contribue à ouvrir le champ de la compréhension des situations, des crises, des mutations, des innovations technologiques et leurs enjeux. C’est aussi un vecteur privilégié de construction de connaissances. La rencontre de la recherche en SHS et des problématiques concrètes des entreprises représente un creuset d’opportunités, tant du point de vue académique que pragmatique.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune chercheur qui souhaite valoriser son expertise ?
Mon premier conseil serait de travailler en amont sur la « traduction » opérationnelle de son expertise académique, afin de la rendre plus intelligible et de valoriser sa contribution à la compréhension de réalités économiques, sociales, industrielles, répondant à un besoin bien identifié par les acteurs d’entreprises. Le tissage de réseau socio-professionnel constitue un enjeu fort pour préparer et démarrer son entrée dans le choc de ces deux mondes, académique et entreprise : vulgariser ses travaux de recherche, les mettre à l’épreuve du grand public ou d’un public cible lors d’événements professionnels. Et enfin, prendre soin de son identité numérique et veiller à la viralité de ses contenus.
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