Emploi numérique : les docteurs, un filon de compétences pour les entreprises
Face à la pénurie d’experts dans le domaine du numérique, les doctorants et les docteurs représentent un vivier méconnu de talents pour les entreprises. Aurélie Vattier Delaunay, Responsable du recrutement de chercheurs chez Okay Doc, revient sur cette question.
Sommaire
Numérique : faire face à la pénurie de candidats
La digitalisation de l’économie est en train de modifier en profondeur les métiers et les modes de travail des organisations. Les prochaines années seront donc déterminantes pour les entreprises qui auront pour principal défi de s’adapter à ces grandes transformations du numérique. Pour ça, la solution semble toute trouvée : recruter de nouveaux profils et se tourner vers les docteurs. Alors que les ingénieurs qui sortent des écoles ont déjà un contrat de travail six mois avant la remise de leur diplôme, les entreprises se tournent désormais de plus en plus vers les Bac+8.
On l’observe particulièrement chez nos clients qui plébiscitent notamment les jeunes docteurs pour des emplois de data scientists. Les scientifiques ont en effet l’habitude de traiter et d’analyser des données, ainsi que de tirer des conclusions à partir des résultats.
La complémentarité des ingénieurs et des docteurs
Pour autant, les docteurs ne sont pas suffisamment valorisés en France, malgré leur formation approfondie et leur expertise dans leur domaine. Ils peuvent être perçus comme étant en concurrence avec les ingénieurs, alors qu’en réalité, leur rôle et leur contribution sont différents et complémentaires. On observe cependant une réelle évolution des pratiques de recrutement notamment dans les startups qui reconnaissent de plus en plus souvent le rôle clé que les docteurs peuvent jouer dans l’innovation et leur développement, et notamment dans le numérique.
Une équation résumée par Clarisse Angelier, déléguée générale de l’ANRT : “Le futur de l’entreprise dépend de sa capacité à se transformer, donc à se remettre en question, ce à quoi les docteurs sont formés : poser des questions et y répondre”.
Sensibiliser davantage les entreprises, les chercheurs et les recruteurs
Au-delà des incitations fiscales comme le CIR, il est essentiel de sensibiliser davantage les entreprises aux avantages qu’apportent les docteurs non seulement en matière de recherche et d’innovation mais aussi en matière d’excellence opérationnelle. Les chercheurs veulent aujourd’hui avoir un impact sur le monde de demain et souhaitent avoir l’opportunité d’appliquer leurs travaux dans le secteur privé dans tous les domaines et aussi dans le numérique.
Pour cela, il faut revoir les pratiques de recrutement pour mieux reconnaître leur valeur, car ils peuvent manquer de certains codes de l’entreprise : ce n’est pas parce qu’un docteur n’a pas l’habitude de se présenter lors d’un entretien d’embauche qu’il ne fera pas un bon candidat.
En tant que recruteuse spécialisée, c’est la raison pour laquelle je n’hésite pas à prendre du temps avec les candidats avant de les mettre en relation avec les entreprises qui me sollicitent. Il pourrait également être bénéfique de promouvoir des programmes de formation et de transition pour aider les docteurs à mieux transposer leurs connaissances dans le monde économique. C’est d’ailleurs dans ce sens que nous développons chez Okay Doc une formation pour accompagner les doctorants en partenariat avec une université pilote aux métiers du conseil.
Les compétences des chercheurs
On ne le répète jamais assez : quand on parle d’innovation en France, on n’a pas suffisamment le réflexe de se tourner vers les chercheurs. Pourtant, les compétences et savoirs des jeunes docteurs ont toute leur place dans le monde de l’entreprise. Chez Okay Doc, nous œuvrons à faire comprendre que le doctorat ne restreint pas la carrière de ses titulaires à la recherche mais qu’il permet au contraire d’accéder grâce au travail de recherche à des compétences recherchées, transposables pour d’autres missions.
Le doctorat valorise non seulement des connaissances scientifiques spécifiques (hard skills) à un domaine de recherche, par exemple dans le numérique, mais ses titulaires développent aussi des compétences transversales et transférables qui attirent de plus en plus les entreprises. On parle ici de rigueur, d’ouverture d’esprit, de capacité à communiquer, de force de persuasion ou encore de force de travail.
“En doctorat, on ne compte pas ses heures, la motivation et la curiosité sont indispensables. C’est un état d’esprit particulier” résume Marc Blondel, professeur des universités en biologie cellulaire.
S’y ajoutent d’autres qualités, parfois méconnues, telles que la résistance au stress, la capacité à mener à bien des projets à long terme, à collaborer, ou encore à travailler en pleine autonomie. Avant la pandémie, le fait de mettre en avant sa rigueur pouvait être mal compris et faire penser que l’on était trop strict. Aujourd’hui, la capacité à s’organiser notamment en travaillant à distance est considérée comme un avantage. L’avenir des entreprises passe par le doctorat.
Pour conclure
En conclusion, alors que la numérisation de l’économie continue de transformer les métiers et les modes de travail, la pénurie de candidats qualifiés dans le domaine du numérique constitue un défi majeur pour les entreprises. Les doctorants et les docteurs peuvent représenter une solution intéressante pour aider les entreprises à s’adapter à ces transformations du numérique. Les docteurs ont des compétences avérées en matière d’analyse de données et de résolution de problèmes complexes.
Leurs compétences transversales en termes de rigueur, d’ouverture d’esprit et de collaboration sont également très appréciées. Pourtant, les docteurs ne sont pas suffisamment valorisés en France et les entreprises doivent être sensibilisées aux avantages qu’ils peuvent apporter. Il est essentiel de revoir les pratiques de recrutement pour mieux reconnaître leur valeur et d’offrir des programmes de formation pour aider les docteurs à mieux transposer leurs connaissances dans le monde économique. Les docteurs ne doivent pas être perçus comme étant en concurrence avec les ingénieurs, mais plutôt comme des professionnels complémentaires, capables de contribuer à l’innovation et au développement des entreprises.
En fin de compte, il est temps pour les entreprises de saisir l’opportunité offerte par les docteurs et de tirer parti de leur potentiel pour répondre aux défis du numérique.
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