Allier IA et art pour rendre la recherche accessible

Allier IA et art pour rendre la recherche accessible

Jeanne Le Peillet, fondatrice de Beink, une solution qui allie IA et art pour rendre la recherche accessible

Jeanne Le Peillet, docteure en génétique et biotechnologie, passionnée à la fois par l’art et la science, explique dans cette interview ce qui l’a amenée à fonder Beink, une solution qui offre aux chercheurs la possibilité de créer rapidement des illustrations pour leurs travaux grâce à une approche novatrice combinant l’art et l’apprentissage automatique, dans le but de vulgariser leurs recherches !

Pouvez-vous vous présenter, quel est votre parcours et dans quels domaines êtes-vous spécialisée ?

Je suis née dans une famille d’artistes (artiste lumière et créateur d’effets spéciaux).

C’est donc à travers l’art que j’ai découvert les sciences, très jeune, et je m’y suis passionnée. Je trouvais que la science, notamment la recherche, était une activité hautement créative, avec un savant mélange de rigueur qui me passionne.

Pourtant, je n’ai pas fait le cursus universitaire que l’on retrouve généralement dans les profils de chercheurs. Passionnée de nombreuses sciences (mathématiques, biologie, physique, géologie, informatique) mais aussi d’autres matières telles que la philosophie et la langue chinoise, c’est en classes préparatoires que je me suis épanouie, au milieu de toutes ces matières qu’il fallait comprendre et maîtriser dans les moindres détails.

Je trouvais que la science, notamment la recherche, était une activité hautement créative, avec un savant mélange de rigueur qui me passionne.

Alors naturellement, en fin de classes préparatoires, j’ai passé les concours d’entrée en école d’ingénieur agronomie et industrie alimentaire. Malheureusement pour moi, le programme était très différent des classes préparatoires. Pour ne citer qu’un exemple, la biologie portait désormais quasiment exclusivement sur des sujets macroscopiques (bovins, céréales, etc) et plus sur l’infiniment petit. Or, ma passion en biologie s’est très vite formalisée dans l’ADN, la génétique, et des approches finalement assez biophysiques.

J’ai donc profité d’un partenariat de mon école avec une université taïwanaise, au sein de laquelle des cours de génétique et biologie de synthèse étaient dispensés. J’y ai passé un semestre entier, une occasion de renouer avec le mandarin, ma LV2 depuis le collège. Et parallèlement, j’ai mené un stage dans un laboratoire de recherche sur ces thématiques. De retour en France dans mon école d’ingénieur, je me spécialise en biotechnologie et pars effectuer mon stage de fin d’année.

Ayant depuis toujours gardé en tête mon envie de mener des travaux de thèse, j’ai doublé ma dernière année d’ingénieur avec un Master afin d’avoir une équivalence facilement valorisable auprès de l’école doctorale.

10 mois avant l’obtention de mon diplôme d’ingénieur, je commençais déjà à aller toquer aux portes des laboratoires pour prendre contact et dénicher un sujet de thèse qui me plairait.

C’est comme cela que par hasard je tombe sur l’équipe de Stéphane Lemaire, qui m’a embauchée en qualité d’ingénieur pour mener des recherches sur l’encodage numérique de données dans l’ADN. Ces travaux ont débouché sur une publication en co-première auteure et un brevet dont je suis co-inventeure.

Bien que j’adorais (et adore toujours) cette thématique de recherche, mon ambition restait dans l’envie de faire une thèse, afin d’apprendre d’autres approches de problématiques scientifiques, complémentaires des approches ingénieures.

J’ai alors rencontré mon futur directeur de thèse et me suis lancée dans des travaux de thèse en recherche fondamentale, majeure en génétique et biologie moléculaire.

En parallèle de ce cursus très scientifique et plutôt mené avec sérieux (1 brevet, 3 publications scientifiques et 1 thèse en l’espace de 4 ans), j’ai poursuivi une pratique quotidienne et sérieuse du dessin. Après tout, tous les enfants dessinent ! Il y en a juste qui ne s’arrêtent jamais.

Qu’est-ce que Beink, et qu’est-ce qui vous a motivé à fonder cette entreprise ?

J’apprends en dessinant, je réfléchis en dessinant, je communique en dessinant. Le dessin, quel que soit notre niveau, nous permet de faire cristalliser ses idées, d’avancer nos réflexions, de trouver des solutions.

Un exemple concret ? Dans un cours magistral dans lequel nous apprenons « la protéine A et la protéine B interagissent », ce n’est qu’au moment où l’on veut représenter visuellement cette interaction que l’on se questionne : « elles interagissent comment ? est-ce qu’elles se touchent ? en quels endroits ? comment restent-elle fixées ? Comment se décrochent-elles ? ». Je suis convaincue que le dessin est un puissant outil de réflexion, au-delà de l’outil de communication que nous lui reconnaissons souvent.

Très tôt dans ma scolarité, les professeurs ont commencé à récupérer mes schémas bilans de contrôle pour leurs supports de cours. Puis j’ai eu des commandes de chercheurs, instituts, villes et mairies, parcs et jardins, entreprises, pour convertir visuellement leurs recherches ou leurs technologies. Souvent à partir de brouillons ou de schémas.

Ma double expertise science et art me permet de comprendre la demande scientifique et ses finesses et d’en proposer une approche visuelle intéressante.

C’est au milieu de ma thèse que j’ai créé ma première société, Beink SASU, qui propose un service sur-mesure de réalisations graphiques sur commande. Cette structure était simplement pour moi un moyen de faciliter les transactions auprès de clients (laboratoires et entreprises) qui viennent d’eux-mêmes, sur recommandation ou en trouvant notre profil sur LinkedIn.

Puis, j’ai voulu aller plus loin, en permettant à ces scientifiques, chercheurs, ingénieurs, de rester maîtres de leurs idées en transformant eux-mêmes leurs brouillons en visuels professionnels, de manière itérative et collaborative : voir devant ses yeux ce qu’on avait en tête permet d’aller plus loin dans sa réflexion, de se poser de nouvelles questions. Et cette évolution mène à des allers-retours incessants avec les graphistes, qui ne sont pourtant pas rémunérés à la minute. Pourtant, c’est un processus intellectuel essentiel dans la création des idées et innovations de notre monde de demain.

J’ai été très rapidement rejointe dans le projet par des ingénieurs spécialisés en IA, IA génératives, machine learning, data. Ils ont propulsé l’idée dans le concret en l’espace de quelques mois (ayant soutenu ma thèse fin octobre 2022, je suis sur le projet à plein temps seulement depuis ces quelques mois). Ensemble, nous avons cofondé Beink Deam, l’IA qui révolutionne la communication de demain et catalyse la créativité de chacun.

Ma double expertise science et art me permet de comprendre la demande scientifique et ses finesses et d’en proposer une approche visuelle intéressante.

Comment combinez-vous les compétences que vous avez acquises en tant qu’ingénieure et chercheuse en génétique et biotechnologie avec vos talents artistiques pour Beink ?

Chaque milieu a son propre langage et ses propres codes. Ce que j’aime avec ce parcours, c’est qu’il me permet de communiquer et d’échanger avec un nombre extrêmement diversifié de talents, d’experts, etc. Je sers donc d’interface entre art et science pour leur permettre de travailler main dans la main. Après tout, ce sont deux disciplines dans lesquelles créativité et innovation sont vitales.

Beink Dream donne la possibilité aux experts de différents domaines de se comprendre et d’échanger instantanément grâce au dessin comme langage commun. Avec Beink Dream, nous souhaitons permettre à l’interdisciplinarité de propulser l’intelligence collective humaine dans une nouvelle dimension, jusque-là inaccessible en raison des codes propres à chaque domaine, qui nous empêchent de nous comprendre les uns les autres.

Je sers d’interface entre art et science pour leur permettre de travailler main dans la main. Après tout, ce sont deux disciplines dans lesquelles créativité et innovation sont vitales.

Mon parcours en tant qu’ingénieure et chercheuse m’a permis d’acquérir les codes de la rigueur scientifique, une approche presque mathématique et systématique du monde qui nous entoure, et que j’applique dans la création artistique, afin que l’art puisse parler au mieux au monde scientifique.

L’adage de Beink vient de ces réflexions, de cette volonté de ne plus scinder art et science en deux groupes distincts, mais de les réunir dans leur approche : « Quand l’Art parle à la raison et la Science à l’émotion ».

Quel a été le plus grand défi que vous avez dû relever en tant qu’entrepreneure jusqu’à présent ?

Surmonter toute la période où le projet commençait à prendre de l’envergure alors que je n’avais pas encore d’associés IA, et pas de sous pour payer des prestataires externes. Car c’est une chose d’être entourée par des experts (et c’est déjà une chance énorme), c’en est une autre de trouver des associés !

Heureusement, j’ai été incroyablement bien soutenue par les prix obtenus via le réseau Pépite : Prix Pépite IDF, Prix Pépite France ; ainsi que par le réseau L-Impact étant finaliste des L-Impact Awards 2023

Aujourd’hui, problème résolu ! L’équipe fondatrice est au complet, et je suis ravie de mon association avec les talents IA de Co-Incidence.

Vous avez été accompagnée par le dispositif Pépite Start’up Île-de-France, comment vous a-t-il aidé dans votre aventure entrepreneuriale ?

Pépite Start’up est arrivé au moment parfait dans le début de mon aventure entrepreneuriale, puisque l’incubation commençait juste après ma soutenance de thèse. Être prise en charge dans cet environnement compétent et bienveillant a énormément aidé à partir directement sur les chapeaux de roues.

La proposition de valeur de Beink Dream et la vision long terme a également beaucoup évolué, en grande partie grâce au programme de mentoring et à ma mentore, Marjorie de Schoolab. Les échanges en tête à tête avec des talents du programme ont participé à l’avancée de ma réflexion sur le produit et la manière dont je me considérais en tant qu’entrepreneure. Je pense notamment à Yves et Pauline de Schoolab.

Enfin, côtoyer les autres entrepreneurs du programme et plus largement, les entrepreneurs de Station F, permet d’échanger très librement sur nos problèmes, nos ambitions, nos peurs, et d’avancer ainsi tous ensemble. Il n’y a pas de compétition dans ce milieu, du moins j’ai trouvé. Tout peut être dit, sans peur de ternir son image ou de laisser entrevoir des fissures. 

Par ailleurs, comment percevez-vous le rapport entre la recherche et le monde de l’entreprise en France ?

Très dichotomique. Il y a cette idée en recherche que nous travaillons pour l’amour de la science et que rien ne doit nous en détourner, certainement pas l’appât du gain. Et il y a cette idée tout aussi caricaturale en entrepreneuriat où les entrepreneurs ont pour seule vocation de parvenir à se faire de l’argent le plus possible et le plus rapidement possible.

En vérité, les barrières entre ces mondes sont bien plus floues que cela. Et les contraintes sont globalement les mêmes. Ce que j’aime en entrepreneuriat, c’est qu’il abolit toutes les barrières : tout d’un coup, on se met à échanger avec des présidents d’universités, on sert la main des ministres, on fait des photos avec les chefs des régions. Et je trouve que ces rencontres nous aident beaucoup à faire tomber les idées reçues que l’on pourrait avoir. Sur tout.

En vérité, les barrières entre ces mondes sont bien plus floues que cela. Et les contraintes sont globalement les mêmes.

Dès que j’ai démarré ma carrière, en tant qu’ingénieure, puis en tant que doctorante, une évidence m’a frappée : le métier qui me faisait rêver était celui du chef de mon équipe de recherche, du chef du laboratoire. Parce qu’il brasse une grande quantité de résultats obtenus par les différents membres des équipes, les analyse, développe des hypothèses et idées de développement, réunit les experts pour concevoir les projets pour mener à bien ces divers développements, monte des dossiers financiers pour rendre le tout concret, fait connaître ces avancées autour de lui.

Et c’est avec plaisir que je me suis rendu compte, par la suite, qu’en tant qu’entrepreneure, c’est de cette activité que je me rapproche le plus ! Une forme d’interdisciplinarité des compétences et exigences pour initier et mener à bout des projets d’envergure, sur tous les fronts nécessaires.

Finalement, auriez-vous quelques conseils à destination de personnes issues de la recherche voulant se lancer dans l’entrepreneuriat ?

L’entrepreneuriat est un monde de rencontres, de surprises, dans lequel s’épanouiront toute personne qui aime créer et saisir les opportunités. C’est un monde qui associe aventure, prise de risque, ténacité et ambition. C’est un monde dans lequel ceux qui ont de grands projets aux retombées positives, que ce soit sur l’environnement, la société, les échanges humains, etc, ou tout en même temps, y trouveront leur voie. Toutes vos compétences et qualités, humaines ou professionnelles, sont et seront sollicités dans ce milieu. Et pour ma part, c’est comme ça que je m’épanouis le mieux.

Alors venez !


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