Comment l’économie de l’environnement peut façonner notre avenir

Comment l’économie de l’environnement peut façonner notre avenir

Interview économie de l'environnement - Édouard Civel

L’Économie de l’Environnement est devenue incontournable face aux défis urgents du changement climatique. Édouard Civel, docteur et expert dans le domaine de l’économie du climat, met son expertise au service de la transition vers une économie respectueuse de l’environnement.

Dans cette interview accordée à Okay Doc, nous avons l’opportunité d’en apprendre davantage sur les travaux d’Édouard Civel et de découvrir les mesures que les entreprises peuvent prendre pour contribuer à une économie plus respectueuse de l’environnement grâce à la recherche.

Pouvez-vous décrire votre rôle de chercheur-consultant dans un cabinet de conseil en stratégie et organisation, en mettant l’accent sur votre spécialisation en économie de l’environnement ?

Édouard Civel : La transition écologique demande aux acteurs économiques de profondes mutations stratégiques et organisationnelles, tant pour l’industrie que pour le secteur financier ou encore les services. En tant que chercheur-consultant au sein de Square Management, mon travail consiste à mettre au service des entreprises que nous accompagnons l’expertise acquise à travers mes travaux de recherche, mais aussi à développer des projets de recherche originaux pour répondre à leurs besoins spécifiques. Mes recherches se concentrent sur le secteur immobilier, dont l’empreinte écologique est multiple : près de 45% de la consommation énergétique nationale, un quart de nos émissions de gaz à effet de serre, et un rôle prépondérant dans l’artificialisation des sols, dommageable à la biodiversité. Par-delà ces impacts sur l’environnement qui appellent à la mutation du secteur, les actifs immobiliers doivent également faire face à l’accélération du changement climatique et de ses conséquences : retrait-gonflement des argiles fragilisant les structures, inondations plus fréquentes et plus amples, tempêtes plus violentes… L’immobilier en particulier fait donc face au double enjeu général de la transition écologique : l’atténuation et l’adaptation. Mon rôle est d’établir des stratégies efficaces pour répondre à ce double enjeu.

La transition écologique demande aux acteurs économiques de profondes mutations stratégiques et organisationnelles.

En quoi consiste l’économie de l’environnement ?

Édouard Civel : L’économie de l’environnement est une branche des sciences économiques centrée sur l’étude des problèmes de pollution ou de gestion des ressources naturelles, sur la conception d’outils économiques pour y répondre (comme la taxe carbone), et sur l’évaluation des coûts et bénéfices des politiques environnementales. En somme, il s’agit d’appliquer les principes de l’analyse économique à la résolution des défis environnementaux. Nous savons que la transition écologique sera coûteuse pour la société, le rôle de l’économiste de l’environnement est de proposer les solutions les plus efficaces pour y faire face.

Nous savons que la transition écologique sera coûteuse pour la société, le rôle de l’économiste de l’environnement est de proposer les solutions les plus efficaces pour y faire face.

Quels sont les principaux défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ? Comment l’économie de l’environnement peut-elle aider à les relever ?

Édouard Civel : Les principaux défis environnementaux actuels recouvrent le changement climatique, la perte de biodiversité, la gestion de ressources naturelles limitées, et les pollutions locales. L’économie de l’environnement peut contribuer à la transition écologique en proposant des mécanismes économiques permettant la réduction des émissions, la préservation de la nature, la gestion durable des ressources, et en évaluant les coûts de l’inaction. Elle offre des outils pour élaborer des politiques publiques et des stratégies d’entreprise économiquement efficaces pour faire face à ces défis.

Comment les entreprises peuvent-elles intégrer les principes de l’économie de l’environnement dans leurs activités et quel rôle la recherche joue-t-elle dans cette démarche ?

Édouard Civel : Les principes de l’économie de l’environnement peuvent aider les entreprises d’une part à mener une analyse rigoureuse de leur empreinte écologique et de leur exposition aux risques environnementaux, et d’autre part à imaginer et à hiérarchiser leurs actions possibles pour contribuer à la transition et réduire leur exposition aux risques susmentionnés. La recherche joue un rôle crucial en fournissant des modèles, des données et des retours d’expérience objectivés sur leurs actions. Plus largement, la recherche permet également d’anticiper les évolutions du marché et ainsi d’orienter les choix stratégiques des entreprises.

La recherche joue un rôle crucial en fournissant des modèles, des données et des retours d’expérience objectivés sur leurs actions.

Quelles sont les opportunités économiques et les avantages compétitifs pour les entreprises qui s’engagent dans une économie de l’environnement durable ?

Édouard Civel : Certaines entreprises hésitent à s’engager dans la « transition écologique » de leurs activités, craignant que cela entraîne une augmentation de leurs coûts de production et donc des prix de leurs produits, réduisant leurs parts de marché et leur rentabilité. C’est en effet un risque à court terme, mais les démarches de transition écologique réelles génèrent également d’importants effets bénéfiques lorsqu’elles sont menées suivant les principes susmentionnés. En effet les entreprises peuvent bénéficier d’une réduction des coûts opérationnels grâce à une utilisation plus efficace des ressources (on pense notamment aux gains liés à l’efficacité énergétique), et d’une amélioration de leur réputation qui peut leur donner accès à de nouveaux marchés et investisseurs sensibles à la durabilité. De plus, la recherche de nouvelles solutions environnementales peut générer des gains de productivité substantiels (c’est « l’hypothèse de Porter »). Enfin, elles seront mieux préparées pour faire face aux réglementations environnementales futures, réduisant ainsi les risques liés à la conformité. En somme, l’engagement dans la transition écologique a un impact incertain sur la rentabilité à court terme, mais cela renforce leur résilience et leur compétitivité à moyen/long terme.

C’est en effet un risque à court terme, mais les démarches de transition écologique réelles génèrent également d’importants effets bénéfiques lorsqu’elles sont menées suivant les principes susmentionnés.

Enfin, en tant qu’expert en économie de l’environnement, quelles sont vos recommandations pour les décideurs politiques et les dirigeants d’entreprise ?

Édouard Civel : Les décideurs politiques devraient définir des objectifs environnementaux clairs et mettre en place des mécanismes économiques peu nombreux mais ambitieux pour orienter les décisions stratégiques des acteurs économiques vers la transition. On peut notamment penser à une tarification forte du carbone et à des subventions pour la recherche sur des technologies vertes spécifiques dans des secteurs clés. Les décideurs politiques devraient également permettre la transition du corps social, en accompagnant les plus précaires et en développant la formation pour les nouveaux emplois « verts ». Les dirigeants d’entreprise, de leur côté, devraient impulser trois changements clés : premièrement, réaliser un suivi précis de l’empreinte écologique des activités de leur entreprise et l’intégrer pleinement dans leur politique de gestion des risques. Deuxièmement, concevoir leur transition écologique non pas comme un désinvestissement des activités aujourd’hui polluantes mais comme un investissement pour contribuer à la transition écologique de ces activités. Troisièmement, instaurer un dialogue avec leurs parties prenantes pour permettre un engagement commun dans la transition. En suivant ces principes, les acteurs publics et privés peuvent contribuer efficacement à une économie durable, en renforçant pour les premiers le bien-être social et pour les seconds leur compétitivité et leur valeur sociale.


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